Les "pensées négatives" existent t'elles ?
A l’origine, le titre de cet article devait être « les pensées silencieuses » et je voulais le commencer en vous rappelant que nous aurions 6000 pensées par jour dont 5000 seraient les mêmes que la veille. En cherchant des sources fiables, je me suis trouvé face à une tripotée d’articles qui parlaient de milliers de pensées « négatives » que nous produirions quotidiennement.
Les pensées négatives … hmmm, mais alors, pourquoi les neurosciences (et l’hypnose) nous expliquent que le cerveau ne comprend pas la négation ? « Ne pensez pas à un chat noir », là, si vous êtes normalement constitué.e, vous venez précisément de penser à un chat noir, CQFD. Et alors, a contrario, quand vous pensez « je ne sais pas faire les crêpes », ce serait une pensée négative opérante ? Ne trouvez-vous pas qu’il y a là une petite incohérence ?
Pour tout vous dire et au risque de contredire l’essentiel des articles que j’ai pu consulter, je crois que les pensées dîtes négatives n’existent pas. Tout est dans les mots, l’usage que l’on en fait et les conséquences de cet usage.
La tête pleine de m…. ?
Donc, à en croire « les gens », notre cerveau serait plein de négations ou de choses pas sympas à notre endroit : je suis nul.le, je ne sais pas faire, il.elle ne m’aimera jamais, etc. La liste, j’en ai peur, est infinie et, une fois terminée, fera ressembler notre crâne aux écuries d’Augias : un gros tas de fumier tellement important qu’il ne permet même plus de produire quoi que ce soit.
Les pensées négatives n’existent pas, pas plus que la nuit : regardez bien, la nuit n’est en fait que l’absence de lumière, elle n’arrive pas jusqu’à nous, mais elle est bien là, exactement comme l’ombre projetée par un arbre. Les pensées « négatives » font de même, nous croyons qu’elles existent parce qu’elles sont là, mais nous ne voyons pas ce qu’elles cachent parce que nous ne le conscientisons pas et parce que nous ignorons le mécanisme, mais la pensée « racine » - comme l’est la lumière à la nuit - est bien là, il suffit de la chercher et de traduire.
Je l’ai déjà écrit précédemment, notre cerveau est exactement comme le Roi aux échecs : il occupe toutes les pensées, mais seul, il ne peut quasiment rien faire (Cf. cet article). Le seul but du jeu est de défendre le roi ou de terrasser l’adversaire en mettant le sien en échec. De là à penser que le jeu d’échec est une métaphore de la vie vue par le mental, il n’y a qu’un pas, que je ne franchirai pas ici ou pas maintenant. En l’occurrence le cerveau ne fait qu’obéir aux ordres : nous défendre.
La tête pleine d’amour !
Ce que nous appelons « pensée négative » devrait, selon moi être plutôt qualifié de « pensée défensive ». Elles ne sont pas là pour nous dégrader mais bien plutôt pour nous défendre. De quoi ? Du ridicule, de la honte, de la peur, de tout ce que nous voulons éviter. Je l’ai écrit dans de nombreux articles, ce que nous cherchons à protéger, c’est notre homéostasie : l’équilibre dans lequel nous sommes à un instant donné, il n’est ni bon ni mauvais, il nous permet simplement d’avancer dans la vie. Dans cet équilibre, il y a nos croyances sur nous-même, elles participent à façonner notre identité, ce qui nous tient. Dans ces croyances, il y a, par exemple ce que nous croyons être nos incompétences : « je ne sais pas parler en public », « je ne suis pas digne d’intérêt ». Repensez à mon histoire de chat noir … la pensée devient « je sais parler en public » ou « je suis digne d’intérêt ». Encore une contradiction : pourquoi diable se fatiguer à se dénigrer si c’est pour produire l’inverse ? Pour ne pas se mettre en danger. « Je ne sais pas parler en public » devrait en fait devenir : « je sais parler en public mais j’ai peur d’être ridicule » et « je suis digne d’intérêt mais on ne voit pas ce que je suis au fond » et comme dans toutes les phrases avec un « mais », ce qui est important est ce qui vient après : nous protégeons notre intégrité, ce qui fait que nous serions ridicule (notre singularité, notre différence) ou notre fond (ce que nous sommes vraiment).
Vous pourriez vous demander ce que ça change de renommer les « pensées négatives » en « pensées défensives » … et bien tout ! Ça change le regard que vous vous portez, l’histoire que vous vous racontez sur vous-même. « Je n’ai pas confiance » devient par exemple : « mon mental protège mon intimité parce qu’elle est belle et qu’elle ne doit pas être gâchée par les moqueries » … au lieu de vous renvoyez à vous-même des sentiments de honte, de peur ou de colère, vous vous renvoyez de la compassion, de l’altruisme et de la compréhension ! Ça change tout ! Vous pouvez faire le test pour vous-même.
Attention, il y a tout de même un écueil : il ne faudrait pas non plus tout justifier sous prétexte de protection ! Notre homéostasie, n’est pas un Nirvana, loin s’en faut, il suffit pour s’en convaincre de prendre le cas des personnes qui sont sous l’emprise d’une addiction. La plupart du temps, ils.elles savent que c’est mauvais pour eux.elles, en revanche, la drogue, quelle qu’elle soit, leur apporte un équilibre à un moment donnée, pensez que c’est cet équilibre qui est protégée et qu’il n’est pas nécessairement bon ou mauvais dans l’absolu, il n’est qu’un moyen de ne pas s’effondrer dans le contexte émotionnel qui est vécu à un moment donné.
Je vous invite à reformuler les « pensées négatives » dont vous avez conscience, non seulement vous vous apercevrez que vous n’êtes pas aussi nul.le que vous le pensiez mais en plus, au passage, vous vous donnerez un peu de l’amour dont ces pensées négatives vous privent et ça … c’est bien !