J'ai tout perdu

Inceste, agression sexuelle, attentat, … et en un instant, notre monde s’effondre, tout ce en quoi nous croyions disparait, nos valeurs semblent détruites. « Heureusement », parfois, la mémoire traumatique fait son job et nous préserve, nos jambes tiennent encore, le corps se relève et la vie continue mais sans la mémoire. Trop dur.

Si le corps grâce à la peau, aux ressentis et aux émotions peut nous alerter des dangers, le cerveau, lui aussi a ses sécurités : effacement postérieur, effacement présent « grâce » au déni, l’homéostasie quand elle subit les assauts de l’insupportable est protégée coûte que coûte quitte à rayer de notre carte du monde des moments entiers de notre vie. La « résilience » passe alors par un travail de reconstruction - conscient ou pas - voire par la mise en place d’un « faux-self » - décrit par le psychanalyste Donald Winnicott - qui nous protège au point de nous cacher : sans le savoir nous ne sommes plus tout à fait nous-même mais nous sommes vivant.es.

Mais le trauma, quel qu’il soit, est surmontable. Qu’il s’agisse d’aller chercher les ressources dans ce passé souillé ou dans un avenir désiré, nous avons tous.tes les moyens d’en sortir. Je suis convaincu qu’aucune dépression, quelle que soit sa forme, n’est indépassable. C’est une croyance bien sûr, mais si je ne l’ai pas c’est qu’un autre métier me conviendrait mieux.

Se transe-former

La guerre n’est pas seulement celle que nous connaissons, elle est aussi parfois en nous-même : un champ de bataille continuelle dont nous n’arrivons pas à sortir, souvent parce que nous n’en avons même pas conscience. Dans cette guerre-là il y a aussi des combattant.es mais ils s’appellent le corps, les émotions, l’amour, la vie, l’envie de mourir, ils s’appellent la honte, la trahison, la souillure. Le mental est débordé, plus rien ne saurait être expliqué, il abdique. Il y a aussi des armes : le rire, la colère, la connerie … dans cette guerre-là, tout est permis ou presque et il y a des perdant.es : notre volonté, nos valeurs et plus que tout, notre confiance en nous et dans les autres, la Relation avec un grand R ne sait plus se faire.
Et puis il y a des rencontres, des instants qui nous redonnent un peu d’espoir, de foi en nous. Ce peut-être un miroir réel ou imaginaire qui nous est tendu, quelqu’un qui nous dit que tout n’est pas perdu et que nous voulons croire ou simplement un coucher de soleil qui nous dit que nous pouvons en sortir. Renaître.

Ces moments-là sont comme des transes, des instants de « conscience modifiée » qui font qu’une faille se forme, ne serait-ce qu’une minute, dans notre carapace protectrice et nous donne accès à une lumière intérieure dont nous avions oublié l’existence. Une hypnose auto-induite qui va permettre le début d’une forme nouvelle. Mais cette « forme » là peut être créée par nous-même et en conscience. Nous avons le choix.

Changer ?

Chaque jour, des personnes me demandent si l’on peut vraiment changer, persuadées de ne pouvoir bouger de là où ils.elles sont. Et puis la magie opère et ces personnes changent, parfois radicalement. Notre métier, c’est de « remettre du mouvement dans ce qui est devenu immobile » me disait l’un de mes formateurs (vous pouvez voir sa vidéo, très émouvante,ici). Ce que votre cerveau a pu faire, il peut le défaire ! Vous êtes dépressif.ive, fumeur.euse, destructeur.trice de relations, vous souffrez d’une maladie psychosomatique, vous êtes en surpoids … tout cela peut changer, si vous le savez, si vous le souhaitez. J’ai l’habitude de dire que la seule chose contre laquelle l’hypnose ne peut rien c’est la connerie mais même cela, suivant d’où elle vient, peut changer.

La nature de l’être

Je ne vais pas me lancer dans une discussion philosophique bien au-delà de mes capacités et de mes connaissances mais il y a une chose qui est certaine c’est que, quoi qu’en disent quelques esprits déformés, nous faisons partie de la nature au même titre que les girafes, les herbes et les vers de terre, que la vie fonctionne partout pareil et que donc il n’est nul besoin de lire des livres, néanmoins passionnants, pour comprendre la résilience et le changement. Il suffit d’observer la nature et ces arbres, abattus par des tempêtes, laissés pour mort, bouffer par des milliers d’insectes, reprendre vie et se redresser à nouveau, tendre leurs branches vers la lumière, créer un nouveau futur, certains refont même des racines en partant du milieu de leur tronc apparemment mort ! Même le passé peut se recréer et nous donner de nouvelles bases, plus solides.

A la Ferme Thérapeutique des Heures étoilées, les arbres se redressent

Je me connais par cœur

Cette phrase, et sa petite sœur : « je le connais (comme si je l’avais fait) » sont, à mon sens, les pires qui soient : elles interdisent de changer, elles condamnent à l’immobilité, elles privent du pardon envers soi-même ou les autres. Tu es con.ne et tu le resteras, tu es traumatisé.e et tu en souffriras toujours ! Un psychiatre a dit un jour à la fille d’une de mes clientes « croyez-moi Mademoiselle, vos angoisses, vous les aurez toute votre vie » … je préfère ne pas commentez, mais on frise le criminel ! Regardons la nature là encore, regardons même simplement notre bras quand il est écorché ou notre jambe quand elle est cassée : il cicatrise, elle se répare. Et pourquoi diable le cerveau, nos pensées, nos croyances et même nos valeurs ne pourraient-ils pas se réparer ? Pourquoi ne pourrions-nous pas apprendre à dormir paisiblement, à appréhender l’autre sans crainte, à être heureux.euse, à respirer sans tabac, à rire sans alcool, à faire l’amour sans blocages ? Pourquoi ces blessures-là ne pourraient-elles cicatriser, que nous puissions regarder la vie avec d’autres yeux que ceux qu’un.e pourri.e nous ont fournis dans une agression ? Certes nous avons subi, certes nous n’avions pas le choix mais aujourd’hui, quel regard voulons-nous porter sur nous-même, quel avenir ce nouveau regard pourrait-il nous construire, celui d’une victime ou celui d’un homme ou d’une femme debout ? Je ne dis pas que c’est facile, mon expérience personnelle prouve que c’est loin de l’être toujours, mais je préfère faire face une bonne fois plutôt que de laisser une ombre me suivre continuellement, jetant sur cette fameuse lumière interne que je ne voyais plus, une nuit constante qui m’appauvrit.

Nous n’avons pas tout perdu, tout a été parfois effacé, caché, bafoué mais si vous pouvez me lire, c’est que malgré cela, vous êtes en vie et que si elle fait repousser des branches sur des arbres qui semblaient morts, la vie peut faire de même avec nous si nous avons l’envie de chercher le soleil. Quant à moi, c’est pour cette raison que je fais ce métier et que, dans ma vie personnelle, je crois dur comme fer à la réparation et qu’en perdant tout, j’ai peut-être tout gagné.

# Déshypnotisons-nous

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