Tu devrais aller voir quelqu'un

Avez-vous remarqué que, lorsque dans votre entourage, une personne ne va pas bien psychologiquement, on lui conseille « d’aller voir quelqu’un ». Le psy n’est jamais nommé, comme si, au XXIe siècle, la tristesse ou la dépression était encore une maladie honteuse.

Il serait juste cependant de rappeler que de l’autre côté du prisme, le « bien-être » déplace des foules dans des salons organisés jusque dans les plus petits villages et produit des livres par milliers allant des plus sérieux aux plus farfelus pourvu qu’il y ait « bien-être » dans le titre.

Mais « aller mal » (psychologiquement) n’est pas politiquement correct comme de nombreux mots qui « cachent ce sein que nous ne serions voir », la pudibonderie a bon jeu et bonne presse. A force d’être faux cul, on finira par nous faire avaler des gélules pour flatuler avec une odeur de rose !

La thérapie est soit cachée soit portée en étendard mais rarement vue pour ce qu’à mon sens elle est : la vie. Si tant de gens vont « voir quelqu’un », si les psychiatres vous répondent sans sourciller qu’ils peuvent vous recevoir mais dans 6 mois, c’est bien qu’il y a un besoin profond à tout le moins de s’exprimer. Regardons des deux côtés de la lorgnette : pourquoi avons-nous besoin d’un psy pour parler ? Serait-ce parce que nous ne savons plus parler entre nous, nous écouter vraiment, dire vraiment ? J’ai évoqué dans un article le « ça va ? » que nous disons à tour de bras et écrivons comme un « bonjour » dans tous nos sms, mais faîtes le test et ne répondez pas à la question, qui vous la répétera ? Qui s’étonnera de cette non réponse ? Et pourtant, en théorie, si on vous a posé la question, c’est bien que la réponse intéresse non ? Et bien non, elle ne nous intéresse pas, la question était automatique, les mots ont perdu tous leurs sens, autant péter (après la gélule) ça marquera plus.

Dans un autre article, je me questionne sur le fait qu’un.e psy puisse être un.e ami.e me demandant si finalement le problème n’est pas que l’ami.e ne joue plus le rôle de psy. Mais hier, dans les familles ou les églises, nous pouvions nous dire les choses (même si dans les églises, ce pouvait être un peu « forcé »), aujourd’hui, TF1 (entre autres) a pris la place et nous bourre le mou au lieu de nous écouter, formatant notre pensée, remplissant notre “temps de cerveau disponible” (Patrick Lelay patron de TF1, LCI, etc) aidée en cela par Google dont les résultats de recherche (« référencement naturel ») sont tout sauf naturel. Finalement, pour trouver une oreille vraiment attentive, on se tourne vers Siri ou Alexa et bientôt chat GPT, on croit rêver ! Mais posez-vous la question : pourquoi avez-vous choisi les applications qui sont sur votre téléphone ? Ne sont-elles pas le reflet de ce que vous pensez être vos faiblesses (je ne peux pas jouer avec des amis, je ne peux pas trouver mon chemin, je ne peux pas rester célibataire, je n’ai pas une bonne mémoire, …) ? Et si vous demandez à votre téléphone de s’occuper de vos faiblesses en les traitant à votre place, croyez-vous qu’il vous renforce ou vous affaiblisse ? Celui à qui on se confie, à qui l’on donne notre confiance est là pour nous faire grandir non ?

Quelles que soient vos croyances en matière de religion, à ma connaissance elles ont toutes (et particulièrement les religions monothéistes) un point commun : la vie n’est qu’un passage en annonçant une autre : réincarnation pour les uns, paradis pour les autres et in fine : le Nirvana. Dans toutes les religions, notre vie « matérielle » a pour but de nous améliorer en vue d’un « au-delà » plus agréable que ce que nous expérimentons ici. Même si vous êtes athé.es, vous ne pourrez difficilement échapper à ce que des générations de croyances ont imprimé en vous.

Pour ce qui me concerne, je crois que la vie est une thérapie et que la thérapie est la vie. Il s’agit pour nous de nous améliorer autant que nous le puissions. Pour cela, l’autre et ses neurones miroirs – entre autres – est là pour nous y aider. Mais si il.elle est là, tout part de nous-même. Nous sommes les seul.es à savoir ce qui nous convient et ce qui ne nous convient pas, nous sommes les seul.es à faire l’expérience de notre vie. Certes il y a des règles, celles qui nous régissent en tant qu’êtres vivants et celles qui participent à déterminer notre vie sociale. Nous pouvons nous extraire d’un certain nombre d’entre elles, c’est notre choix et notre responsabilité individuels. Il y a sans doute une part de déterminisme mais pas un dictat. Nous pouvons très largement choisir notre vie à force de volonté (plus ou moins grande selon notre environnement) et notre foi en nous-même.

Ma vision de la thérapie, qu’elle soit avec un.e psy, un.e hypno., un.e confident.e ou simplement en cheminant dans la vie, est qu’il ne s’agit pas seulement d’être hypnotisé pour sortir de nos difficultés mais bien plus de rompre l’hypnose dans laquelle nous sommes quand nous fumons, mangeons ou buvons trop, ne parvenons pas à faire un deuil ou n’importe quelle autre difficulté et ça, chacun.e de nous peut l’apprendre et prendre soin de lui.elle-même. Nous vivons dans un monde qui nous influence - parfois nous manipule - à chaque seconde pour le meilleur ou pour le pire, si nous arrivons à nous concentrer sur le moment présent en nous détachant tout à la fois du passé qui nous a construit et du futur que nous imaginons, alors, le monde prend une autre forme : celle de la vie qui s’écoule.

Tout ce que nous nous faisons subir est lié à notre imagination : nous imaginons que boire va nous rendre plus à l’aise, que fumer va nous calmer, que contrôler notre conjoint.e va le.la faire rester, mais en y réfléchissant bien, c’est tout l’inverse qu’il se passe. La cigarette ne nous calme que du manque qu’elle génère d’elle-même et nous plonge dans l’addiction du calme feint, l’alcool nous rend dépendant en inhibant notre capacité à être naturel.le sans elle, et notre conjoint.e, lassé.e d’être surveillé.e part en courant. Regardez ce qui vous tracasse, démontez-en les rouages et les conséquences, faîtes-vous aider par “quelqu’un” en qui vous avez confiance et qui vous posera des questions comme un enfant de 5 le ferait : simples, et vous verrez que cela produit l’inverse de ce que vous cherchez à éviter. Cette liberté promise nous enferme inexorablement dans nos travers.

Parfois, il faut « aller voir quelqu’un » mais il faut aussi le nommer : psy, ami, curé ou Imam mais il s’agit toujours d’aller se voir soi au-travers de l’autre, ce « quelqu’un » que nous ne nommons pas, peut-être parce qu’il fait peur, souvent parce qu’on l’aime, c’est toujours nous-même. On n’échappe pas à soi-même mais on peut se choisir.

# Déshypnotisons-nous

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Mon smartphone et moi