Mon·ma thérapeute peut-il·elle être un·e ami·e ?

Parmi les thérapeutes, quelle que soit leur spécialité, chacun·e a un avis sur le fait que le·la client·e/patient·e peut ou ne peut pas être un·e amie. Les techniciens avancent le transfert et le contre-transfert, les humanistes nous expliquent que l’important c’est de laisser dans le cadre de la séance ce qui appartient à la séance.

« Thérapeute » signifie « prendre soin », dès lors, nous sommes tous.toutes thérapeutes, pourvu que l’on sache prendre soin de l’autre. Les premiers thérapeutes sont nos parents, notre famille proche, nos professeurs, nos amis et tout notre entourage, même le boulanger que nous ne voyons qu’une fois par semaine. Nous prenons tous.toutes soin de l’autre (plus ou moins bien).

Les techniciens et le transfert

Pour Freud, la séance est le lieu où se créé le transfert. Grossièrement, il s’agit du moment où le.la client.e plaque toutes les caractéristiques de celui·celle qui le fait souffrir sur la personne du thérapeute. Si vous avez un problème avec votre frère, vous « transformerez » votre psy en votre frère et le traiterez comme vous aimeriez pouvoir traiter votre frère. Si le thérapeute n’y prend pas garde et/ou s’en offusque, il pourra vous le reprocher au lieu d’endosser consciemment ce rôle (qui alors deviendrait thérapeutique) ou, au contraire le pointer et de là, en faire une force pour vous accompagner : c’est le contre-transfert. L’important est simplement que le·la thérapeute soit conscient de ce mécanisme pour l’utiliser afin de vous aider.

Pardon pour cette explication un peu fastidieuse, mais je la crois importante. Selon moi, le transfert est présent partout dans nos relations. Quand vos enfants vous ont énervé·e toute la matinée et que votre voisin·e vous fait une réflexion désobligeante à laquelle vous répondez par de la colère, d’une certaine manière, vous avez transféré vos enfants sur le·la voisine. Je pourrais multiplier les exemples de ce type avec votre chien, le·la conducteur·rice irascible, votre patron·ne, etc.
Le transfert, en thérapie comme dans la vie, est inévitable, le tout, c’est juste d’en être conscient.e pour ne pas réagir de la mauvaise manière. Comme le disent les « 4 accords Toltèques » : « ne rien prendre personnellement » car presque rien ne s’adresse réellement à vous.

Les humanistes et le cadre de la séance

Du moment que tout reste dans le cadre du cabinet, tout va bien. Mais, quand mon ami·e est triste et me raconte pourquoi, vais-je le claironner à tout mon entourage ? Si j’en prends soin, vraisemblablement pas. Si je donne un conseil à ce·cette même ami·e, vais-je m’en vanter à la terre entière ? Non plus ! (Tout en sachant que tout thérapeute sérieux s’interdit de sortir du cabinet ce qui a été dit dans le cabinet, ami·e ou pas)

Alors, vous me direz peut-être « mais, on dit des choses à son thérapeute qu’on ne dit pas aux autres ». Pour moi, c’est là que le bat blesse. Pourquoi ne le dit-on pas aux autres ? Qu’est ce qui peut motiver que l’on dise à un·e parfait·e inconnu·e des choses intimes qu’on ne dirait pas à ceux·celles qu’on aime et qui nous aime (il ne s’agit évidemment pas de le crier sur tous les toits) ? La peur probablement. La peur d’être jugé·e, de ne plus être aimé·e, de décevoir alors qu’on ne demande pas à notre thérapeute de nous aimer. Mais alors, quelle relation construisons-nous si elle est incomplète, si nous cachons des choses pour nous protéger ou pour croire que nous protégeons l’autre ? Quel amour montrons-nous si nous ne nous montrons pas tel.le que nous sommes réellement ?

Vous l’aurez compris, pour moi, cette question ne parle pas du métier de thérapeute, elle parle de la relation que nous avons avec notre entourage, notamment le plus proche. Voulez-vous être aimé.e pour ce que vous êtes ou pour ce que vous montrez ? Aimez-vous vraiment cette personne si vous ne lui dîtes pas vraiment qui vous êtes ? Plus encore, vous aimez-vous vraiment si vous pensez que, pour être aimé·e il ne faut pas tout dévoiler ou que si vous racontez cette histoire, on ne vous aimera plus ? Ne valez-vous pas plus que cela ?

Je crois que si nous voulons être vraiment aimé·e, il faut commencer par être en paix avec tout ce que nous sommes et oser le dire, car derrière cette peur d’être rejeté·e par celui·celle auquel·à laquelle nous le disons, il y a le désamour que nous avons de nous-même. Si les psychologues, sophrologues et hypnotiseurs sont apparus, ça n’est pas seulement parce que nous allons plus mal, c’est aussi, et peut-être surtout, parce que nous ne parlons plus en famille, que la grand-mère n’est plus là pour nous entendre ni le prêtre, le grand-frère ou l’imam, notre environnement proche ne nous donne plus l’occasion de vider notre sac. Dans les sociétés dîtes “primitives”, le Shaman est un cousin, un voisin ou un ami et ils ont sans doute beaucoup moins besoin de psy que nous.

Le·la thérapeute n’est pas nécessairement un·e ami·e mais l’ami·e devrait toujours être un·e thérapeute. Nous devrions nous sentir en capacité d’oser tout lui dire, notre amitié n’en serait que renforcée. Et vous, vos ami·es savent-ils·elles vraiment tout ?

# Déshypnotisons-nous

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