Cessez de croire que l'hypnose fonctionne !
Un jour, dans la galaxie des hypnotiseurs, quelqu’un a dit que l’hypnose c’était quand on conduit sur l’autoroute et que tout d’un coup, c’est comme si on avait oublié les quelques derniers kilomètres. Depuis, la plupart des hypnotiseurs expliquent sur leur site que c’est ça l’hypnose ou que c’est comme un bon film, le moment où on oublie tout sauf le film. Le premier hypnotiseur a avoir proposé cette explication n’a pas de droit d’auteur, dommage, il serait riche aujourd’hui.
Donc, l’hypnose c’est ce moment où vous êtes au volant mais pas vraiment en train de conduire (flippant non ?). Vous roulez paisiblement à 130 mais vous êtes ailleurs. Imaginez que votre conjoint.e est sur le siège passager, que vos enfants sont à l’arrière et que vous êtes comme endormi.e … ça donne envie non ? Et là, on ajoute qu’en fait, vous avez pleinement le contrôle. Bon, d’accord mais quand je pense à ces instants – car comme tout le monde ça m’est arrivé – bien qu’il ne soit jamais rien passé, ça fout la trouille ! Le pire, c’est qu’il avait raison cet hypnotiseur qui expliquait que l’hypnose c’était ça !
Pareil pour le film ou le bouquin qui vous happe tellement il vous passionne : tout d’un coup, plus de son, plus de lumière : on peut vous dire n’importe quoi, vous ne l’entendez plus. Vous êtes devenu ce cow-boy sur son cheval, vous sentez le contact de la selle sous vos fesses et le vent qui fouette votre visage mais le « à table ! » qu’on vous crie (dans la vraie vie) depuis 10 minutes, lui, il n’arrive plus du tout jusqu’à votre cerveau. Vous êtes débranché.e de la réalité.
C’est plus sympathique, mais là encore, s’imaginer à ce point déconnecté.e, ça n’est pas forcément très rassurant (surtout si le plat est un soufflé et que vous avez raté le moment où il était tout beau et tout gonflé).
L’hypnose, c’est tout le temps.
Là où ça pourrait devenir embêtant (et pas vendeur), c’est si on devait croire que ces deux analogies qui expliquent ce qu’est l’hypnose étaient parfaitement exactes et … elles le sont. Elles le sont à un tel point que ce qu’elles disent en fait c’est que l’hypnose c’est quand nous perdons le contrôle (alors que c’est précisément ce dont la plupart des gens ont peur).
Personnellement, je préfère une vérité moche à un joli mensonge. La vérité est celle-ci : quand vous êtes sous hypnose, vous perdez le contrôle (désolé). Mais, le contrôle de quoi ? Vous perdez en fait le contrôle que vous pensiez avoir, pas du tout le contrôle que vous avez. Ce que vous perdez, c’est le contrôle que quelque chose a sur vous. C’est en acceptant de perdre ce (faux) contrôle que vous gagnerez le (vrai) contrôle.
Reprenons avant que je vous perde totalement. Imaginons que vous ayez peur des araignées et que vous veniez me voir. Là, vous me dîtes « bonjour, j’ai peur des araignées mais je ne veux pas rentrer en état d’hypnose parce que je ne veux pas perdre le contrôle ». La question que je vous poserai sera alors la suivante : contrôlez-vous votre peur ou est-ce votre peur qui vous contrôle ? Si vous réfléchissez vraiment, vous savez qu’une petite araignée ne vous fera pas grand mal n’est-ce pas ? Et pourtant, si vous et une araignée êtes sur un pont, c’est vous qui sauterez, elle, elle vous regardera probablement d’un air ahuri et sera très fière de son nouveau pouvoir. Quand vous avez peur d’une araignée, vous êtes déjà en état d’hypnose, l’enjeu n’est donc pas pour vous de perdre le contrôle mais de le reprendre.
Imaginons maintenant que vous êtes fumeur.euse (ou buveur.euse, boulimique, etc.) et que vous voulez arrêter. Vous allez m’expliquer, par exemple que la cigarette vous calme et si je vous demande de quoi elle vous calme, vous me direz du stress et vous oublierez probablement de réaliser que le stress dont la cigarette vous calme est essentiellement celui généré par le manque … de cigarette. Là encore, avez-vous le contrôle de la cigarette ou est-ce la cigarette qui vous contrôle ? Vous êtes en fait hypnotisé.e par un petit tube de tabac à 1€ pièce.
Vous êtes déprimé.e parce que votre conjoint.e vous a quitté.e et vous n’arrivez pas à faire le deuil ? Qu’est ce qui vous contrôle ? La peur d’être seul.e, celle de ne pas retrouver quelqu’un d’aussi parfait.e ? La peur de ne pas être aimé.e comme vous sentiez aimé.e ? Qu’importe, là encore, c’est une peur et vous ne la contrôlez pas, là encore, vous êtes en « état décalé de conscience » (ce qui défini l’hypnose) et c’est justement cette perte de contrôle qui vous rend inquiet.ète.
Le grand hypnotiseur : le temps.
Vous êtes-vous rendu compte de la place que prend le temps ? Ce matin, j’ai reçu une newsletter, en ouvrant le mail, la première information que l’on nous donne c’est le temps nécessaire pour la lire ! C’est donc l’information la plus importante ou, en tous cas, celle qui fera que vous continuerez ou pas. Si vous regardez la télé vous verrez en permanence des pubs qui vous disent d’aller plus vite ou d’être plus efficace, si vous regardez une chaine info, le seul point commun entre elles toutes est l’heure affichée en permanence.
Sans que l’on s’en aperçoive, on nous fait croire que le temps s’accélère. Moi qui habite à la campagne, je vous assure que le temps dure toujours le même temps et qu’une graine de tomate met toujours le même temps pour faire une nouvelle tomate. Cependant, qu’on le veuille ou non, ces temps-ci, le temps dure de moins en moins longtemps. Pourquoi, parce qu’on nous enjoint de mettre de plus en plus de choses dans une heure. Ce n’est pas la boîte qui change, c’est la façon dont on la remplie. Nous sommes tous.tes contrôlé.es par la durée du temps et pourtant une heure dure toujours une heure que l’on soit sur une plage ou dans un bureau. La différence ? Dans un cas, vous vous dîtes que vous avez le temps, dans l’autre vous vous dîtes que vous êtes pressé.e … qui contrôle votre stress ? Qui vous a hypnotisé.e en vous faisant croire qu’une heure durait 10 minutes ?
Finalement, bonne nouvelle, si l’hypnose est partout et tout le temps, vous ne pouvez pas y échapper donc, c’est comme l’air et vous n’avez aucune raison d’en avoir peur !
Accepter d’être faible pour être fort
Je l’ai écrit plus haut, ce dont on a souvent peur avec l’hypnose, c’est de perdre le contrôle mais, comme vous le voyez, la plupart du temps, nous n’avons pas le contrôle mais l’illusion du contrôle : la cigarette, le chocolat, notre perception du temps, etc. nous contrôlent bien plus que nous ne les contrôlons.
Pour retrouver le (vrai) contrôle, il faut d’abord accepter de lâcher celui que nous avons l’illusion d’avoir : pour devenir libre vis-à-vis de la cigarette, il faut d’abord accepter de passer par une zone de faiblesse, pour faire le deuil d’un conjoint.e, il faut d’abord accepter qu’il.elle est soit absent.e, pour être libre, il faut accepter de reconnaître qu’on est emprisonné.e. Pour ne plus être hypnotisé.e il faut sans doute d’abord accepter qu’on l’est déjà à notre insu.
Pour finir sur le titre de cet article, si par magie vous ne croyiez plus dans les pouvoirs de l’hypnose, alors, vous ne fumeriez pas, vous ne seriez pas triste de vous séparer, vous ne verriez plus les araignées et ne seriez plus pressé.e en permanence. Vos peurs ne seraient plus aux commandes bien plus que vous ne le voudriez. Bien souvent en effet, ce sont nos peurs qui nous gouvernent, et pour ce faire, elles nous hypnotisent en permanence, nous faisant croire que sans cette cigarette ou sans cette personne, ce serait l’enfer. La question n’est pas l’hypnose mais qui vous hypnotise et pourquoi ?