La lumière

Pourquoi allons-nous voir un.e psychologue ou un.e thérapeute ? Parce qu’à un période donnée, nous ne sommes pas « au clair » avec nous-même. La lumière ne circule plus convenablement. Qu’il s’agisse de maux physiques ou psychiques, nous n’allons pas bien quand il y a une contradiction entre ce qui devrait être et ce qui est.

Sur le plan physique, nous allons voir le médecin quand une fonction corporelle ne fait pas « normalement » son travail : respirer sans effort, digérer sans douleurs ni selles bizarres, etc. Tel organe devrait jouer son rôle avec fluidité et sans douleur, il ne le fait plus selon nous et donc nous cherchons à remettre les choses au clair.

Il en va de même sur le plan psychique. Prenons des exemples simples, vous pouvez fumer pendant des années sans que cela ne vous pose le moindre problème, de même vous pouvez boire ou manger excessivement ou vous conduire de façon rude avec les faibles, tout cela sans que jamais cela ne vous dérange. Là, vous êtes au clair. Être au clair ne signifie pas « bien faire », cela signifie simplement que cela vous convient. J’aime fumer, je fume, tout va bien.

Et puis un jour, pour une raison quelconque, vous avez un regard différent. Vous avez changé.e ou votre environnement a changé et patatra, le regard que vous portez sur vous-même et ce que vous faites ou êtes ne vous convient plus. La cigarette vous gène parce que c’est devenu trop cher, parce que vous voulez vous sentir libre, parce que le tabac vous donne une haleine désagréable ou simplement parce que votre santé est devenue importante pour vous … qu’importe, vous voulez arrêter de fumer ou de boire, vous vous rendez compte que brimer les faibles ne vous satisfait plus. A ce moment-là, de fait, vous n’êtes plus au clair avec vous-même, la « lumière » ne passe plus dans les tuyaux de façon harmonieuse, elle rencontre des barrages et des nœuds. Une partie de vous est « dans le noir » au sens où elle n’a pas ce qu’elle voudrait avoir.

Imaginez que vous avez un objectif : c’est la lumière, le phare, c’est ce qui vous guide et cette lumière n’est pas extérieure, elle est intérieure. Pour voir ce phare au loin, il ne doit pas y avoir d’obstacles (la lumière va en ligne droite, elle ne prend pas de courbes, sauf si l’espace-temps est tordu mais à notre échelle, c’est rare). De temps en temps bien-sûr vous pouvez la perdre de vue mais si la situation dure trop longtemps, vous commencerez peut-être à avoir peur, à vous décourager ou même à en créer une autre, plus ou moins intense et vraie.

Nous ne sommes pas au clair à chaque moment où nous avons à gérer une contradiction interne (ce que l’on appelle, en langage technique, une « dissonance cognitive »). Cet état contradictoire nous arrive chaque jour sans que cela ne nous pose de problème : j’ai envie de voir machin.e, il.elle habite trop loin et je n’ai pas envie de parcourir cette distance, je peux lui téléphoner. Certes, je ne le.la verrai pas mais j’ai pu gérer ma contradiction interne. J’ai perdu mon phare interne de vue, mais j’ai pu en créer un autre, suffisamment satisfaisant pour « avoir de la lumière », pour me satisfaire. Nous gérons quotidiennement, mille petites contradictions en négociant avec nous même sans que cela ne nous impacte vraiment.

La peur du noir

Parfois, je ne trouve pas de moyen de créer un phare de substitution. J’ai vraiment besoin d’arrêter de fumer parce que ça ne me convient plus du tout et pourtant je n’arrive pas à arrêter. J’aimerais bien arrêter d’avoir peur des araignées parce que je voudrais m’installer à la campagne mais vraiment, elles continuent de m’effrayer. Je voudrais arrêter d’être possessif et pourtant, je continue de retenir les gens ou les choses. Vous n’êtes plus « au clair » avec vous-même, la lumière ne passe plus, vous êtes dans le noir et ça dure … et le noir, ça fait peur (une peur animale, engrammée dans notre cerveau reptilien depuis des millénaires) !

Allumer la lumière

Pour être au clair, il suffit d’allumer la lumière ! L’important n’est pas tellement de l’allumer mais de la diriger et, comme nous le savons, la lumière, ça va tout droit, il faut donc la diriger au bon endroit si nous voulons voir. Malheureusement, cet endroit est tout noir et le noir … ça fait peur (bis). Mais quel est cet endroit qu’il faut éclairer ? Précisément celui qui empêche la lumière de passer, le truc qui fait que vous continuez de fumer, de boire, d’affaiblir ou de posséder.

Ce « truc » peut avoir de multiples formes : un trauma, une valeur, une envie, une croyance, une histoire ou un environnement passé, souvent il nous effraie, non pas tellement pour ce qu’il est mais plutôt du fait de l’histoire que nous nous racontons à son sujet. Combien de client.es ai-je reçu qui m’ont parlé de viols ou d’agressions sexuelles ? Combien s’était vu mourir dans cet événement dramatique, abandonnant une partie d’eux à ces instants ? Ils.elles ne voyaient pas l’autre côté de la pièce : ils.elles avaient traversé cette épreuve et une autre partie d’eux s’en était trouvée grandie. La fleur de nénuphar nait dans la boue. Il y a quelques années, je recevais un client qui, bien qu’excellent étudiant, perdait tout ses moyens lors des examens, lui venait me voir pour calmer ce qu’il croyait être du stress. Rapidement, nous avons découvert que ce qui l’empêchait de réussir était un “plafond de verre”. Etudiant en journalisme audiovisuel, s’il réussissait, il était promis à une certaine notoriété et à un bon salaire, mais ce faisant, dans ses shémas de pensées, il aurait fait mieux que son père qui était ouvrier agricole et une partie de lui ne pouvait se résoudre à cela. Ici, le “truc” qui empêchait la lumière de passer, c’était l’amour et le respect qu’il avait pour son père.

Pour nous mettre au clair avec nous même, rien n’est plus utile à mon sens que de se connaître et de se reconnaître, pour cela, il est souvent très utile de se « séparer » (techniquement, nous disons « dissocier ») pour mieux se voir (ne sommes-nous pas les seuls à ne pas voir la couleur de notre propres yeux ?). Prendre du recul, s’éloigner de nous-même, nous permet justement de braquer plus efficacement la lumière là où c’est utile et surtout de mieux voir ce qu’il y à voir. Et c’est pour ça qu’un.e thérapeute, un prêtre ou un.e ami.e est parfois utile : il.elle nous aide à voir ce que nous ne voyons pas.

Dans un autre article, je parle des racines, ces ramifications qui nous précèdent et nous nourrissent aussi sûrement que le présent. Elles aussi peuvent être éclairées, car bien souvent, nous ne sommes pas au clair avec nous-même du fait de ce que nos parents, grands-parents ou proches en général nous ont appris ou fait et ça, en général, ça leur appartient, ça répond à leurs difficultés et nous ne sommes pas obligé de les porter à leur place.

J’ai écrit plus haut que ce que j’appelle le phare était interne, nos objectifs en effet ne concernent que nous et nous sommes les seuls à pouvoir les atteindre. La lumière que nous visons et essayons de faire circuler au mieux éclaire notre route bien-sûr, mais je suis convaincu d’une chose : quand nous l’avons atteinte, alors, elle se met à briller vers l’extérieur et guide tout.es ceux.celles qu’elle inspire.

# Déshypnotisons-nous

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