Ce que le cas narre

J’observe que le vivant est une source constante d’inspiration dans la vie et donc également dans un cadre thérapeutique. Le “vivant” n’est pas seulement ce que nous avons l’habitude de nommer ainsi : les plantes, les animaux et tous les écosystèmes mais aussi ce qui - à l’intérieur de nous-même - participe à nous faire sentir en vie.

Notre vie est divisée en deux parties : ce que nous faisons consciemment et ce que nous faisons inconsciemment. La limite entre les deux est souvent aisée à déterminer mais pas toujours. Nos fonctions vitales, bien que parfois conscientisées, comme la respiration n’ont en général aucunement besoin du conscient pour être à l’œuvre. Nous ne donnons aucun ordre à notre cœur ou à notre système digestif pour qu’ils fonctionnent convenablement, à nos peurs et à nos émotions … non plus.

Pour ce qui est du conscient, les choses se compliquent un peu. Lorsque j’apprends mes tables de multiplication, je le fais consciemment mais lorsqu’à 40 ans je rends la monnaie, pour la plupart d’entre nous cela se fait de façon totalement automatisée et d’une certaine manière, ça n’est pas plus mal. Mais, y a-t-il d’autres choses que nous ferions de façon inconsciente avec l’apparence du conscient ? Ne serait-il pas intéressant de regarder nos automatismes de plus près ?

L’arrivée du caneton

C’est le printemps, sur l’étang, devant la maison, il y a quelques jours sont apparus 11 canetons collés à leur mère. Rapidement, les uns et les autres prenaient plus ou moins leurs aises : certains s’éloignaient, les autres restaient proches de la canne qui ne manquait pas, régulièrement, de les rappeler auprès d’elle avec force cris.

Après une semaine, deux ou trois avaient disparus, sans doute croqués par un renard ou une buse. Après encore quelques jours, il n’en restait plus qu’un. Collé à sa mère. Au pire il s’aventurait à quelques mètres. Bien sûr, je ne sais pas qui est ce caneton survivant, fait-il partie de ceux qui s’émancipaient de la tutelle maternelle dès le lendemain de leur naissance ou était-il de ceux qui ne s’en éloignaient pas ?

Sans être ornithologue, il me semble plus probable qu’il fasse partie des seconds puisqu’il est mieux protégé. En restant proche, il va apprendre tous les comportements d’un bon canard et les reproduira pour les transmettre à son tour à ses petits et … c’est ainsi que les canards restent des canards.

L’humain obéit aux mêmes règles : notre environnement (physique, social, émotionnel, familial, …) contribue grandement à définir ce que nous allons être. Nous sommes, d’une certaine manière, programmés à devenir ce que nous sommes.

Nombre de mes client.es se conforment à ce que l’on attend d’eux.elles ou, plus exactement à ce qu’ils.elles croient que l’on attend d’eux.elles. Ce faisant, n’oublient-ils.elles pas d’être eux.elles-mêmes ?

Longtemps, j’ai été « conforme » : j’ai été ce pour quoi on m’avait « programmé ». J’ai fait des études commerciales, j’ai été bien élevé, j’avais une vie bourgeoise en banlieue parisienne, je me suis marié, j’ai eu 3 enfants, j’ai fait du marketing dans des boîtes prestigieuses, je « gagnais très bien ma vie ». J’étais ce que je devais être : Conforme, tel le caneton, à ce que devait devenir ma vie, ce à quoi mes bonheurs, mes traumas, mes peurs me préparaient.

Qu’on forme,
Con forme …
Et parfois, on devient.
Autre chose ?
Soi-même ?

Non qu’on forme, on se déforme, on se reforme et on croit n’être plus rien. C’est peut-être dans ce rien que l’on se trouve et se re(ré)forme.

« Vivre la mort », pourquoi ne pas faire le deuil de nous-même pour devenir “nous-autre” ? Pourquoi ne pas se demander si nous sommes qui nous voulons être et non plus ce que nous sommes préparé.es à être ? Ne serait-il pas possible et utile de se poser cette question : suis-je qui j’ai envie d’être ? Mes peurs, mes joies, l’histoire que je me raconte sur moi-même me satisfait-elle ?

# Déshypnotisons-nous

Mise à jour : le dernier caneton est mort lui aussi, peut-être faisait-il partie de ceux qui se sont émancipés trop tôt… il y a aussi un temps pour tout.

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