L'amour, la peur.
J’ai longtemps opposé l’amour à la haine, pensant que l’un était l’inverse de l’autre. J’ai longtemps pensé que l’amour consistait en une attention permanente à l’autre, qu’il.elle, devait passer avant moi. D’autres m’assuraient de l’inverse.
Souvent, nous restons quoi quand on nous demande ce qu’est l’amour, nous essayons de le définir en puisant dans notre propre expérience, mais toujours, nous restons sur notre faim, incapable de lui donner des mots, c’est qu’il est insaisissable. En cherchant à l’enfermer nous nous empêchons de le définir parce que je crois que l’amour n’est pas un état, c’est un mouvement, c’est cette force qui nous fait aller vers l’autre, et le mouvement, comme le vent, n’est pas saisissable. Son opposé n’est pas la haine mais la peur. La peur fige, prive de mouvement.
Dans les couples, j’entends souvent qu’il faut « trouver un équilibre » entre l’un et l’autre, mais là encore, l’équilibre ne peut être figé. L’équilibre sans mouvement c’est la mort. Quand nous marchons, nous sommes constamment en équilibre et pourtant jamais arrêté.es. C’est précisément la suite de déséquilibres constants qui font que nous restons debout. L’amour est de même : une suite continue de déséquilibres entre moi et l’autre. Mais pas ceux qui font basculer dans la colère ou l’emprisonnement, ceux qui forment une danse. Pas celle où l’un ou l’autre s’appuie sur l’autre, mais une danse où l’un.e et l’autre acceptent de tomber, de retenir, d’être là, bien présent.es à soi et à l’autre. L’amour est le même mouvement que la vie.
En accompagnement, les psys, les hypnos, disent souvent de leur métier qu’il consiste à remettre en mouvement ce qui est figé, de remettre de la vie dans ce qui est inerte. Tout ce qui est devenu automatique est inerte, mécanique, machinal et donc désincarné : les addictions, les comportements que nous ne questionnons plus, la dépression qui nous éteint, la peau qui se cache sous des plaques, l’excès de poids qui nous ralenti, tout ceci est une rupture d’équilibre, un amour qui ne peut plus s’exprimer ou qui ne sait plus être totalement apprécié, une peur qui a fini par l’emporter … pour le moment.
Les peurs décident pour nous, elles nous dominent, consciemment ou pas. Il y a les peurs anciennes, celles qui sont logées dans notre cerveau reptilien, le plus ancien. Ce sont elles qui nous font bondir devant une araignée, un chien enragé ou nous retiennent de sauter dans le vide, elles protègent la vie, celles-là nous sauvent physiquement. Puis il y a les peurs modernes, les petits et les grands traumas qui nous ont forgé et qui se sont lentement engrammés à force de répétition et tous parlent de la même chose : la peur de ne pas être aimé.e, apprécié.e, vu.e, la peur de détériorer la relation dans un sens ou dans l’autre. Elles peuvent dégénérer en maladies de peau (qui marque la limite entre nous et l’autre) ou pire. Dans les orphelinats de Roumanie au sortir de la dictature de Caucescu, on a constaté que les enfants en arrivaient à mourir simplement parce qu’ils n’étaient pas touchés, pas « investis ». On meurt d’absence d’amour, on meurt d’absence de mouvement. Bougeons !
L’amour n’est pas seulement cet élan (encore un mouvement) qui nous pousse vers l’autre, c’est aussi l’énergie qui nous mobilise vers l’autre ou vers nous-même, qui nous fait nous protéger, nous battre, nous lever chaque matin tout simplement, pour faire quoi ? Avancer !
Accepter d’être faible pour être fort.e
Les peurs, petites et grandes, nous arrêtent, je vous invite encore à regarder cette magnifique vidéo ou encore celle-ci qui montrent bien ce mécanisme. Ne serait-il pas salvateur de nous interroger sur chacun de nos automatismes et de nous demander s’ils sont justes, s’ils correspondent à nos désirs ou à nos peurs, s’ils nous permettent d’évoluer ou de stagner, de contrôler, de retenir ? Il faut pour cela un premier mouvement, tourné vers nous-même : nous regarder, nous avouer et nous aimer dans notre complétude, faiblesses et défauts inclus, surtout eux. Des parents qui regardent leurs enfants les félicitent-ils continuellement ? Ils essayent de les aider à dépasser leurs limites, les encouragent et les soutiennent mais ils doivent d’abord voir les faiblesses. Avoir le courage de voir l’ombre est la promesse du mouvement, la promesse de l’amour et d’une relation saine avec nous-même.
Les plus grand.es géni.es, les plus grand.es sportif.ves, et plus généralement tout.es ceux.celles qui ont progressé l’ont fait parce qu’ils.elles ont vu leurs faiblesses et qu’ils ont voulu les dépasser. On ne peut grandir qu’en acceptant d’être faible, c’est nécessairement par là que passe l’amélioration. Celui.celle qui nie sa faiblesse ne peut se dire qu’il.elle a quelque-chose à changer et il.elle va tenter de contrôler cette faiblesse en la cachant et plus il.elle agira ainsi, plus cette ombre grandira et le.la contrôlera. Le plus petit des enfants sait déjà cela, c’est pour cela qu’il se lève et se met à marcher. Nous, adultes, parfois, nous l’oublions parce que nous voulons être fort.es, coûte que coûte, pour être aimé.es. C’est là sans doute notre erreur car en voulant être fort.es, nous nous privons du mouvement, nous nous figeons dans la peur de ne pas être aimé.es et finissons par nous arrêter ou fuir.
Il faut, la plupart du temps, 2 jambes pour marcher, mais chacune d’elles est une jambe parfaite et fait parfaitement son job. La seconde n’est là que pour rattraper le mouvement initial qui sera rattrapé à son tour par la première. Chute permanente sans cesse rétablie pour porter tout le corps, toute la vie, bien plus grands que ces seules 2 jambes et qui pourtant leur donne leurs mouvements.
Selon moi, à chaque fois qu’un mouvement s’arrête, qu’une immobilité se créée, le risque est grand de le voir se figer dans l’habitude, la zone de confort et, in fine, la mort d’une part de nous-même, d’une parcelle de vie qui s’éteint. Le « déshynotisons-nous » qui signe chacun de mes articles pourraient être « remettons-nous en mouvement », c’est le but de l’hypnose : bien au-delà d’un « sommeil », elle nous réveille à nous-même, elle nous remet en vie.
Faites le test : repérez tout ce qui vous empêche d’avancer, d’être en mouvement : ce sont vos peurs qui prennent forme(s)