Toi, moi et la relation
« Nous sommes responsables à 100% de 50% de la relation » disait … je ne sais plus qui ! Je trouve cette phrase non seulement très juste mais en plus tout à fait libératrice.
Quand 2 personnes se rencontrent, elles sont en fait 3 : l’un.e, l’autre et la relation qui nait de cette rencontre. Cette relation a, en elle-même, une personnalité qui varie selon son cadre et sa nature. Chacun des 2 contribuent à créer ce qu’elle est, exactement comme 2 parents contribuent à l’avenir d’un enfant et selon le caractère et l’histoire de l’un et de l’autre, le produit des deux sera différent. En ce sens, nous sommes les créateurs de la relation, lui donnons ses qualités et en sommes donc responsables.
Qu’on le veuille ou non, à chaque instant, nous nous influençons mutuellement, au risque de choquer, nous nous manipulons même. Qu’il s’agisse de nous même ou de l’autre, la plupart de nos gestes et de nos paroles visent à « convaincre » moi ou l’autre que je suis ce que je suis ou ce qu’il pense que je suis : le choix de mes habits, mes gestes, mon maquillage, les mots que j’emploie, tout est consciemment ou inconsciemment choisi pour donner une image conforme à mon personnage. Prenons un exemple simple, quand vous tendez la main à quelqu’un, vous l’influencez pour qu’il la prenne, quand vous mettez un pull bleu parce que vous avez les yeux bleus, vous savez que vous les mettez en valeur et quand vous choisissez tels habits pour sortir, c’est pour être à l’aise et à votre avantage. Nous hypnotisons l’autre (et ça marche), l’autre nous hypnotise (et ça marche) et nous nous hypnotisons nous-même (et … ça marche aussi …).
Quand nous entrons en relation, nous projetons dessus nos fantasmes, nos rêves et nos peurs, nous l’imaginons telle que nous la voudrions ou comme nous voudrions qu’elle ne soit pas, ceci pour avoir l’impression de contrôler les choses et de nous éviter des déconvenues (comme celles expliquées ici). Bien entendu, les choses ne se passent jamais comme nous les avions imaginées, parfois en moins bien parfois en mieux. Ce que nous avons imaginé et qui nous a décidé à entrer dans cette relation est évidemment le fruit de nos expériences passées : bonnes et nous projetons du bon, mauvaises et nous projetons du mauvais afin de l’anticiper (croit-on) et donc de s’en prémunir.
Ces projections n’ont rien à voir avec l’autre (même si nous lui en faisons le reproche), elles ne parlent que de nous et colorent la relation aussi sûrement que le pinceau que je tiens dans la main colore le mur que je peins. Ce qui se passe entre moi et l’autre, initialement neutre devient noir, blanc ou rose suivant la couleur que j’y ai mis. Et que croyez-vous qu’il se passe ? Nous voyons cette couleur et évidemment, elle nous influence. Hélas, elle ne correspond en rien à ce qui existe dans le réel mais à ce que nous avons « importé » de notre passé émotionnel. Bien sûr, cette couleur n’est pas permanente, elle prend toute sa forme dans les moments où les émotions impliquées hier sont convoquées maintenant.
La plupart d’entre nous n’est absolument pas conscient.e de ce mécanisme, incrimine l’autre qui réveille nos peurs oubliées, le larde de reproches, jusqu’à ce que les choses se brisent ou se calment. L’autre en question, souvent porteur.euse d’autres peurs (qui peuvent répondre aux nôtres) se braquent et plutôt que de comprendre ce qui se joue, tombe dans le piège tendu d’autant plus facilement que lui.elle aussi est touché.e. Hélas encore, l’un.e et l’autre ne voient pas qu’il ne s’agit, dans ce triste théâtre, absolument pas d’eux.elles mais bien de la relation qui a été construite à coups de pinceaux venus de nos expériences passées.
Si donc l’autre vous reproche quelque chose dans votre relation (surtout si celle-ci a une charge émotionnelle forte), soyez conscient.e qu’il.elle ne parle pas de vous mais de lui.elle, de ses expériences passées, de ses blessures et de la façon dont il les active. En prenant les choses ainsi, vous ne les prenez plus personnellement, vous pouvez vous en détacher plus facilement et avoir une réaction beaucoup plus apaisée et constructive qu’en réagissant sous le coup de la colère ou de la tristesse parce que vous croyez que ce qui est dit vous est réellement adressé. De même, quand vous avez quelque chose à reprocher à l’autre, avant de le lui dire, demandez-vous en quoi cela parle de vous et comment, en regardant vos propres émotions, vous pouvez éteindre vous-même le feu qui était en train de naître.
Qu’il s’agisse de nous-même ou des relations que nous tissons avec notre entourage, nous avons tout intérêt, me semble-t-il, à nous connaître du mieux possible et pas seulement lorsqu’il s’agit de régler une difficulté que nous croisons, c’est aussi et surtout pour éviter qu’elles arrivent au moment où nous ne serons pas en état de les éviter. Pour cela, il suffit parfois d’accepter de parler de soi avec nos ami.es, pas seulement de notre métier ou du dernier film que nous avons vu : de nous vraiment : de nos joies, de nos peurs, de nos expériences de vie, bref, de nous rencontrer et de permettre à l’autre de nous rencontrer, d’entrer en relations, en somme, de nous découvrir et de nous laisser découvrir. Ainsi, nous avons plus de chance de devenir nous-même plutôt qu’un personnage auquel se conformer et qui trouvera toujours plus difficilement une place juste dans une relation juste.