La faiblesse est-elle une force ?

Dans une société où performance, rapidité et efficacité sont de mise, où bien souvent c’est le pouvoir et la position sociale qui définissent une personne et où, sur les écrans et dans les pages des magazines s’étalent une certaine idée de la beauté et de la réussite, les faiblesses n’ont pas bonne presse. Et pourtant, la plupart d’entre nous se laissent émouvoir lorsqu’un film les met en valeur.

Si nous sommes émus par une situation, c’est simplement qu’elle nous touche (quasiment au sens propre du terme), si nous la laissons nous toucher, c’est que d’une façon ou d’une autre, elle parle de nous. Si elle parle de nous, l’accueillir est sans doute la moindre des choses.
Mais comment accueillir nos faiblesses alors même que tout nous pousse à les rejeter, comment accepter ce qui est banni, comment tenir compte de ce qui nous met en insécurité dans une société où la sécurité est élevée au rang de valeur ultime ?

A force de travailler sur mes difficultés personnelles, j’en suis arrivé à découvrir celle qui peut-être m’empêchait le plus d’avancer, celle qui s’élevait comme un rempart quand je me trouvais devant un thérapeute : la peur de mes faiblesses. Comment ai-je appris que je devais en avoir peur ? La vie, mes expériences ont fait que ce qui est sans doute un trésor (évoqué dans cet article) me mettait en danger. Celui que l’on profite de moi, que l’on m’utilise ou même que l’on me réduise à néant. Pour éviter ce danger, j’ai développé de nombreuses stratégies : l’humour qui me permettait « d’attaquer » avant de l’être ou de prendre les critiques en glissant dessus avec un rire, l’hyper intellectualisation qui m’autorisait à expliquer à l’autre ce qu’il était en train de me dire ou la froideur, plus simpliste mais tout à fait efficace dans certaines circonstances. J’ai flirté avec de nombreuses limites en les dépassant souvent mais de très peu pour me croire plus fort et avoir le sentiment du contrôle.

Alors, comment travailler sur ses faiblesses alors même que le simple fait de les voir les fait grandir et nous met en position de les nier pour éviter d’être faible ? Comment attaquer le rempart que je suis moi-même en train de construire ? Déjà peut-être, en écrivant un article ce qui permet de verbaliser, de faire sortir, de laisser la parole circuler et Dieu sait à quel point c’est important de nommer… les mots ont un vrai pouvoir, celui de façonner notre pensée et donc nos actes, notre caractère et in fine la façon dont nous sommes perçu.es.

Une fois que nous sommes face à ce miroir que nous regardons contrits, qu’en faire ? Qu’y a-t-il dans ces faiblesses que nous refusons tant ? Quelles qualités en sont nées ? Nous étions faibles dans tel domaine, en quoi cela a-t-il créé une force dans un autre ? Regardons bien et nous verrons que chaque point que nous considérons comme une faiblesse a généré une force (faîtes la liste de vos “faiblesses” et vous aurez l’occasion de le vérifier).

Accepter d’être faible pour être fort ?

Ne serait-il pas utile d’apprendre à accepter d’être faible pour être fort ? Car, si l’on y pense, en nous croyant forts, capables de contrôler, que faisons-nous ? Nous ne nous entrainons pas à l’être vraiment. Imaginons que notre faiblesse est un petit nous-même caché à l’intérieur, il.elle est là, assis.E quelque part, tout.e intimidé.e et triste parce qu’il.elle se croit faible. Là, nous le.la regardons et nous nous plaignons de lui.elle comme si il.elle n’avait pas le droit d’être là. Que croyez-vous qu’il.elle pense, comment va-t’il.elle réagir selon vous ? Il.elle sera encore plus triste à n’en pas douter et s’affaiblira encore plus. C’est cela que nous faisons en refusant nos faiblesses, nous nous rendons encore plus faibles. Ce n’est pas en me croyant fort.e en cyclisme que je vais devenir un.e grand.e cycliste mais sans doute plus vraisemblablement en montant sur un vélo et en pédalant de longues heures, ça n’est pas en me croyant parfait.e que je progresserai, c’est peut-être en regardant avec bienveillance mes imperfections que j’arriverai à être meilleur.e. Mon cerveau est un muscle comme un autre, s’il croit qu’il est fort, il ne fait pas d’efforts, il ne fait que du bruit pour me faire croire qu’il n’est pas faible. Et, si je n’y prends pas garde … je fais de même …

# Déshypnotisons-nous