Hauts Potentiels et traumas

AVERTISSEMENT : Je ne suis pas médecin ou psychiatre, cet article n’est tiré que de mon expérience. Je vous invite à vous documenter et à échanger avec des spécialistes pour vous en faire une opinion éclairée.

En préambule, je voudrais poser les choses clairement : J’ai 55 ans, il y a un an, pour la énième fois dans ma vie, quelqu’un me disait que peut-être je pourrais être un « haut potentiel » 1 mais ce jour-là, pour la première fois j’en acceptais l’idée. Jusqu’alors, quand cet aspect de ma personnalité était évoqué, cela générait chez moi soit de la colère, soit de la tristesse et, en tous cas de la fuite.

Je décidais donc de prendre rendez-vous avec une psychologue spécialisée et passait le test WHAIS 4. Au bout de deux heures, alors que j’avais eu l’impression d’un travail laborieux, le résultat tombait : HP 2. Mon premier réflexe, sans que je ne sache encore précisément pourquoi, fut de m’effondrer en larmes. Depuis, je travaille, j’essaie de comprendre et surtout, j’apprends à maitriser le truc qui est entre mes oreilles et se prend pour le patron.
Que n’ai-je lu sur les hauts potentiels ! Parfois intéressant, parfois moins, je crois qu’il n’y a qu’un point commun aux descriptions et explications des hauts potentiels : l’activité électrique de leur cerveau est plus intense que pour une personne dite normale. Et voilà, c’est à peu près tout. Pour les uns c’est génétique pour d’autres c’est comme ça. Pour moi (et pas seulement 3), le HP, souvent aussi hypersensible, tire sa caractéristique d’un trauma.

L’homéostasie : l’équilibre salvateur

Dans d’autres articles, j’ai évoqué l’homéostasie, cet état très particulier d’un système qui ressemble un peu à l’équilibre mais qui ne l’est pas exactement. En effet, on pourrait imaginer qu’il ne s’agit simplement que de l’égalité entre deux forces. C’est plus complexe. Plutôt que l’égalité, c’est la neutralité : tout s’annule. Et il ne s’agit pas de 2 forces mais, dans l’absolu, d’une infinité de forces. L’important est que toutes celles qui sont en présence s’annulent en permanence de telle façon que le système qu’elles composent ne tombent pas à la renverse.

Chez l’homme, ces forces sont nombreuses et souvent inconnues, mais on peut tout de même en citer quelques-unes : le système immunitaire, le système respiratoire, le système nerveux, le système lymphatique, le mental, les émotions, les sens, etc. Tout ceci échange des informations en permanence et influe sur l’individu. Mais il en manque encore ! L’environnement, les capacités, bref, le monde extérieur, lui aussi influe en permanence sur notre équilibre. Et au milieu de tout cela, il y a une sorte de gyroscope (je l’appelle « je ») qui doit tenir compte de toutes les influences, en permanence et se débrouiller pour que, dans cette tempête (ou ce calme), le navire ne sombre jamais. « À vos ordres Capitaine ! ».

Dans notre vie quotidienne, la mer est habituellement plutôt calme (comme dans la vraie vie en somme). Parfois, un événement vient nous perturber : une rencontre, une remarque de notre patron, une soirée trop arrosée. Le système chancelle (rougissement, colère, vomissements, …) mais il se remet bien vite et tout continue normalement. Parfois, la perturbation dure : je deviens fumeur par exemple : là, l’agent perturbateur entre dans le système et y élit domicile. Qu’à cela ne tienne, le capitaine et l’équipage poussent un peu les meubles (éventuels problèmes de peaux, vertiges, dérèglements physiologiques légers) et la vie reprend, légèrement reconfigurée. Parfois encore, les choses se passent de façon un peu plus radicale : c’est la tempête ! Notre bateau navigue tranquillement, les hommes se reposent, ne prêtant pas attention aux nuages qui s’amoncellent à l’horizon (mon boulot ne me plait pas, mon patron est insupportable, mon salaire ne me valorise pas, les délais sont trop courts, …). La tempête s’annonce et personne ne la voit venir (déni). Si les choses continuent ainsi, personne ne changera de cap (changer d’employeur par exemple) et le navire continuera vers la tempête (l’ouragan « burn out » par exemple).

Dans les embruns, le bateau est secoué, les meubles sont renversés (croyances, valeurs), les assiettes se fracassent (d’autres croyances), parfois, des cabines entières sont dévastées (identité), les hommes apeurés prient les dieux de leurs Panthéons (spiritualité), bref, l’homme a peur, se retrouve face à lui-même et tout ce qui le constitue est questionné. Mais le capitaine, le plus souvent, tient la barre, mu par l’instinct de survie, celui-là même qui le fait tenir debout, à l’équilibre, en homéostasie, quelles que soient les circonstances.

La plupart du temps, tout l’équipage garde en mémoire ces épisodes, la carte marine est même marquée d’une croix pour que l’on n’oublie pas ce lieu. Dans le journal de bord, les événements sont consignés avec minutie. Mais parfois, les choses ne se passent pas ainsi.

Les pires tempêtes se passent la nuit, dans l’ombre. Les meubles sont renversés, la vaisselle éparpillée, les hommes projetés au sol, les pires monstres marins se déchainent sur le pont du bateau arrachant des cordages et des vies. Et … au petit matin, tout est rentré dans l’ordre. La scène a été tellement éprouvante que personne n’ose plus en parler. Chacun de son côté a rangé ce qu’il pouvait en silence, c’est à peine s’il subsiste un peu de casse. La tempête est passée, l’évoquer suffirait à nous faire trembler, chanceler à nouveau, sa seule image fait peur alors, n’en parlons plus, oublions la … c’est le trauma et la mémoire traumatique.

Dans ces tempêtes, que font les hommes d’équipage ? Ils équilibrent le bateau. En l’occurrence : les émotions prennent plus de place, le système digestif se met en surrégime (ou sous) le temps qu’il faut pour aider à digérer (aux sens propres et figurés), etc. Parfois le capitaine (le mental) doit prendre des décisions radicales, diriger de main de fer afin – croit-il – de sauver le bateau d’un naufrage certain : il prend tous les pouvoirs.

La dictature salvatrice du mental

Après cette tempête là, plus rien ne sera jamais pareil à bord : le capitaine (par exemple le mental) n’a plus la même confiance dans ses hommes (les émotions, le système digestif) qui ont montré trop de fragilités. Lui-même a eu trop peur pour les laisser désormais sans surveillance. Il y avait sur ce bateau beaucoup trop de laisser-aller, les choses doivent être reprises en mains, c’est d’ailleurs ce qui se passe dès la première petite alerte qui suivra (événement mineur ayant une apparence imaginée similaire à LA tempête). Le capitaine donne des ordres secs et ne laissent aux hommes que très peu de latitude (ancrages). Dès lors, les choses vont changer. Quasiment seul aux commandes, il doit maintenant être au courant de tout, tout comprendre, tout connaître, il ne peut plus faire confiance à personne. Et plus la traversée va durer, plus ce nouvel ordre se mettra en place si rien ne vient le contredire ou l’apaiser. Le capitaine « Mental » a pris les commandes du navire « Individu », lentement, le « haut potentiel » va s’installer, fruit d’une peur immense, le mental ne délègue plus.

Ce faisant, les hommes d’équipage sont beaucoup moins sollicités. Certains profitent de l’opportunité pour ne plus faire grand-chose et ils s’affaiblissent lentement, d’autres tentent de se révolter et crient à la prise de pouvoir exagéré mais eux aussi, esseulés et affaiblis ont rarement la force nécessaire pour rééquilibrer les choses. Une sorte de dictature se met en place que nul ne renversera sans l’aide de l’extérieur (accompagnement psychologique, trauma, levée de la mémoire traumatique, émotions fortes, …)

Le « haut potentialat » est ainsi, bien souvent né dans un trauma (NB ; le trauma n’est pas nécessairement un événement horrible. En revanche, du point de vu de l’enfant qui le vit, il l’est. Un papa qui rentre tard, une mère qui s’inquiète, une peur très forte : tout cela est anodin pour les parents mais peut être vécu de façon très intense par l’enfant surtout si en plus le contexte se prête à faire grossir cet événement. Par ailleurs, le trauma peut être celui de l’enfant ou celui d’un aïeul (cf. épigénétique)). Tout se passe en effet, comme si le mental (mais cela peut aussi être les sens ou les émotions selon « qui » est en première ligne durant le trauma) prenait les commandes pour ne plus les lâcher et était donc obligé de se mettre en surrégime de façon définitive afin de protéger tout le système (NB : ceci n’a rien de systématique, la plupart du temps, nous traversons les tempêtes sans trop de difficultés).

L’enjeu : faire comprendre au capitaine que la tempête est finie.

Donc, parfois, le capitaine a été tellement effrayé qu’il ne veut plus lâcher la barre, il est comme tétanisé, incapable de partager son rôle avec l’équipage (nos sens, nos émotions, …). Il développe alors des qualités d’attention ou de compréhension hors du commun (suivant la forme du « trauma », les qualités développées y seront adaptées : mémoire, logique, acuité, anticipation, …) et ces qualités continueront de se développer tout au long de la vie, d’autant plus qu’elles seront sollicitées dès que cela sera nécessaire y-compris quand le calme est revenu. C’est à la fois un bien (nous y gagnons en capacité intellectuelle de tel ou tel type) et un mal (le mental agit en permanence comme si c’était la tempête : jamais de repos, tension permanente).

Pour lui faire lâcher prise, il faut simplement lui faire prendre conscience que le beau temps est revenu, qu’il peut se détendre et lâcher la barre. Pour cela, il faut agir exactement de la même façon que le font les secouristes face à quelqu’un qui est sidéré : le détendre. Comment ? En lui démontrant que la peur n’a plus lieu d’être : concentration sur le ici et maintenant (le mental, lui, n’est concentré que sur ses « mains qui doivent tenir la barre », il ne voit même plus le paysage), respiration consciente, méditation, concentration sur le toucher, le goût, l’odorat, activités artistiques, … l’idée est de couper le flot des pensées (quand un muscle est tendu, vous ne lui demandez pas de faire un effort n’est-ce pas ? Pour détendre le mental, il faut lui apprendre à penser le moins possible).

Cette phase peut-être courte (tout dépend de l’âge à laquelle on commence) et demander quelques efforts mais elle permet de tirer tous le profit de toutes les expériences vécues mais cette fois, seulement pour le meilleur.

# Déshypnotisons-nous


  1. « Haut potentiel », « zèbre », « surdoué », chaque époque a son terme pour qualifier ces cerveaux particuliers. Mon propos n’étant pas ici de définir ce qu’est un haut potentiel, je vous invite à vous documenter.
    Sachez en revanche que « zèbre » ou « haut potentiel » n’a strictement aucun rapport selon moi avec l’intelligence scolaire. Le cerveau va plus vite, ça ne veut pas dire du tout qu’il produit plus de choses intelligentes. 

  2. En France, l’un des tests reconnus pour mesurer le QI (Quotient Intellectuel) est le test WHAIS (qui se passe en présentiel). La moitié des français a un QI en dessous de 100, l’autre moitié au-dessus. On est considéré comme HP au-delà de 130 sur une échelle qui va de 40 à 160. 

  3. À titre d’exemple : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-article-Dunod-Memoire-Traumatique.pdf 

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