Dieu et Karpman

Avertissement : cet article peut heurter la foi des plus convaincu.es. J’aimerais qu’ils.elles ne le prennent pas comme un blasphème ou un manque de respect mais comme une hypothèse que l’on peut considérer sans, bien sûr, être obligé.e d’y adhérer.

En préambule, je précise (car je crois important de savoir qui nous parle) que je suis issu d’un milieu catholique. Mon éducation a été faite en obéissant à ses règles, notamment le fait d’aller à la messe le dimanche. A ce jour, mes croyances restent colorées par cet apprentissage initial, cependant, si je continue de croire en certains principes, je ne souscris à peu près plus à aucunes des règles édictées par l’église. Je n’ai en revanche, aucune acrimonie ni aucuns regrets quant à cette éducation.

Ceci étant dit, venons au sujet de cet article : Karpman et Dieu. En premier lieu, rappelons ce qu’est le triangle de Karpman : il s’agit d’un jeu psychologique qui se met en place entre 2 personnes (parfois dans un groupe), ce jeu consiste à prendre l’un des 3 rôles du « triangle dramatique » : persécuteur.trice (ou bourreau), victime ou sauveur.euse et d’interagir suivant ce modèle plutôt qu’en exprimant ses émotions. Ce « jeu » est à la base de principes de manipulations de la communication la rendant stérile voire contre-productive. Il créé des mécanismes d’interdépendances et non pas de co-constructions.

Chacun.e choisit un rôle (par exemple la victime) ce qui « pousse » l’autre à se positionner en persécuteur.trice ou en sauveur.euse (sauf à ce qu’il.elle voit ce qui se trame et ne rentre pas dans le jeu). Les rôles sont alternativement et inconsciemment tenus par chacun.e des protagonistes qui passent donc de victime à sauveur.euse puis à persécuteur.trice pendant que l’autre change aussi de rôle. La victime – bien souvent dépendante – cherche à attirer l’attention d’un.e persécuteur.trice (justifiant son statut de victime) ou celle d’un.e sauveur.euse (lui permettant de sortir de son rôle tout en le validant par l’entremise de l’autre).

Le.la sauveur.euse quant à lui.elle a le « beau rôle » puisqu’il.elle vient aider l’autre. Cependant, ce faisant, il.elle maintient la victime dans sa dépendance et ne s’occupe pas de son propre mal-être (chemin idéal pour devenir victime à son tour). En voulant sauver l’autre, le.la sauveur.euse obéit aux mécanismes de projection de sa propre souffrance.

Le.la persécuteur.trice est là pour embêter la victime, la mettre et la maintenir dans cette situation. Le.la persécuteur.trice n’est pas nécessairement une personne, il.elle peut être la maladie, la guerre, la vie, n’importe quoi qui justifie un statut de victime.

Dans le triangle de Karpman, chacun.e a besoin de l’autre pour exister ce qui justifie qu’il soit difficile d’en sortir. En effet, s’il n’y a plus de victime, alors, il n’y a plus de persécuteur.trice ou de sauveur.euse, si il n’y a plus de sauveur.euse, la victime ne peut plus l’attendre, etc. Ce « jeu » repose sur le fait qu’aucun des acteur.trices n’est en mesure d’exprimer clairement ses émotions, dès lors, il les projette sur l’autre et « transforme » l’autre de telle façon qu’il.elle puisse s’occuper de lui.elle-même en feignant de s’occuper de l’autre. Le triangle se referme en cercle vicieux dont il est extrêmement compliqué de sortir même si, selon moi, l’amour se cache derrière le triangle de Karpman mais un amour qu’il nous est impossible de vivre ou d’exprimer.

Et Dieu dans tout ça ?

Précisons-le tout de suite, Dieu n’y peut rien. Il n’aura échappé à personne que le Dieu des chrétiens n’a jamais été entendu en direct par qui que ce soit sauf – à ma connaissance - par Abraham (ça ne date pas d’hier) et Jésus mais, là encore, ce que nous savons de ce qu’a entendu le Christ n’est pas dit par lui mais par ses apôtres. Dieu n’y peut rien, mais peut-être, ses « traducteurs ».

Toujours est-il que, dans la religion chrétienne, nous attendons « le sauveur ». Si nous attendons un sauveur, c’est donc que nous sommes … des victimes ! D’accord, mais des victimes de quoi ? Du pêché, de nous-mêmes ? Quelle que soit l’hypothèse, Dieu étant créateur.trice de toutes choses, in fine, il semble bien que ce soit lui.elle le.la persécuteur.trice ! Diable !!! J’entends que cela puisse faire grincer des dents ! Jésus, sur sa croix attendait lui aussi un Sauveur (« Père pourquoi m’as-tu abandonné ? ». S’il attendait un sauveur, c’est qu’il était victime. De qui ? Des êtres humains qui l’ont crucifié et nous voilà devenus persécuteurs (ce qu’au passage, on nous rappelle à chaque croisement de route de campagne ou dans chaque église avec le Christ en croix). Non seulement nous sommes persécuteur.trices mais en plus nous devons nous en faire pardonner et nous voilà redevenu.es victimes à la recherche d’un.e sauveur.euse.

Si l’on observe la relation créée par l’église entre les humains, Dieu et le Messie (Jésus ou un.e autre), il me semble que celle-ci ressemble fort au triangle dramatique de Karpman. Regardons de plus près : selon moi, le triangle tient dans le rôle de victime auquel tout nous renvoie (je vous rappelle que jusqu’il y a quelques années, le Notre Père nous faisait dire « ne [Dieu] nous soumet pas à la tentation » Dieu étant dès lors, clairement celui qui nous met des bâtons dans les roues) ce rôle, non seulement nous place dans une position de dépendance mais en plus il ne nous permet pas de nous « soigner » par nous-même. En effet, le.la « sauveur.euse » est à l’extérieur, notamment sous la forme de l’Église représentante de Dieu ici-bas. Potentiellement, nous attendons donc un.e sauveur.euse qui ne peut venir à notre secours puisque, par ailleurs, nous le redoutons et le tenons à distance.

Le triangle de Karpman a ceci de pervers qu’il est extrêmement difficile d’en sortir, il tord la communication et la rend toxique là où elle devrait être bénéfique et libératrice. En l’occurrence, la « communication » orchestrée avec Dieu dans ce schéma nous rend victimes et donc sauvé.es et persécuté.es par la même « personne » nous plongeant dans une injonction contradictoire forte et nous privant de solution à nos maux. Si le « salut » est à l’extérieur il est donc inatteignable à moins de faire confiance au.à la persécuteur.trice.

Dans ma pratique de l’hypnose, je me suis forgé la conviction que si lumière (mieux-être) il y a, elle est en nous et nulle par ailleurs (c’est peut-être là aussi qu’est construit le fameux “Temple de Salomon”). Notre part d’ombre qui créée nos difficultés se met entre elle et nous et nous empêche de la voir. Et si notre ombre, comme notre lumière, sont en nous, c’est bien que nous sommes notre propre sauveur.euse, notre propre persécuteur.trice et notre propre victime (exactement comme dans ce qui alimente les addictions). Si nous devons sortir d’un triangle de Karpman, c’est celui dont la scène est nous-même. C’est ainsi qu’un.e thérapeute quel.le qu’il.elle soit ne peut détenir aucune réponse, c’est toujours vous et seulement vous qui l’avez, même si vous ne la voyez pas encore. Le.la thérapeute n’est là que pour nous accompagner sur le chemin de votre propre Clar.té intérieure en nous aidant à voir la pièce que nous jouons, quels autres scenarii existent et comment les mettre en scène.

# Déshypnotisons-nous

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