Prendre le temps d'aller mieux
Dans un monde pressé qui nous pousse à courir sans cesse, à être efficace, à nous optimiser, l’hypnose a un gros défaut : c’est une « thérapie brève ». Elle nous promet que nos changements seront rapides voire instantanées, ce faisant, elle participe à nous accélérer encore.
« Vous croyez qu’il faudra combien de séances ? » est sans doute la question que l’on me pose le plus. Je vais vous donner une réponse générale et définitive : je n’en sais rien ! Les influences sont tellement nombreuses que même chatGPT ne pourrait vous répondre. Voulez-vous vraiment changer, pour quelle raison venez-vous : un problème comportemental, identitaire, des croyances ? Quels sont les bénéfices secondaires de ce dont vous voulez vous débarrasser (cherchez bien, il y en a toujours), à quel point êtes-vous motivé.e, quelles sont les résistances en vous et dans votre environnement, quelle relation entretenons-nous vous et moi (si vous ne pouvez pas m’encadrer ça risque d’être plus long), quels enjeux transférentiels se jouent entre vous et moi, etc. La liste est infinie. Parfois, une séance a suffi alors que je m’attendais à de nombreuses difficultés, d’autres, au bout de dix séances nous commencions à voir le bout du tunnel. Mais surtout, cette question porte en germe « l’urgence » dans laquelle nous finissons par être tous.tes … du calme.
La Ferme Thérapeutique des Heures Étoilées
Au bout de quelques années de pratiques, alors que l’on m’avait appris à tenir mes séances en une heure, j’ai commencé à les faire durer 2 heures parfois plus, je ne voulais plus me contraindre dans un temps imparti censé être la norme. Je suis sorti du cadre temporel mais aussi de celui du cabinet en faisant mes séances dehors, dans la rue, les parcs, à aller chez mes clients. La vie ne se trouve pas dans un cabinet ou pas assez pour moi. Vous preniez rendez-vous à 10h, courriez dans le métro, étiez bousculé.es par des passant.es pressé.es eux.elles aussi et arriviez stressé.e chez moi pour une séance chronométrée. Vous étiez déjà dans un état non normal. J’ai besoin de vous rencontrer, pas de rencontrer un.e autre. Bien sûr, le modèle classique fonctionne aussi très bien mais il ne me convient plus. Je veux prendre le temps de la rencontre.
C’est ainsi que de loin en loin j’ai créé la Ferme Thérapeutique, un lieu où le temps thérapeutique n’a pas de limites : vous venez, vous y vivez et les choses se passent au rythme auquel elles doivent se passer et si les séances, quand il y en a, doivent durer 4 heures, elles dureront 4 heures. Je ne peux pas vous mener vers plus de mouvement en vous incitant à l’agitation ou à la course.
« Ce n’est pas le temps qui change les choses, c’est ce qu’il se passe pendant ce temps » (Etienne Klein) et pour qu’elles se passent, il faut parfois les laisser germer, ne pas les précipiter. Ce que nous apprend la nature – entre autres – c’est que même si une fleur éclos parfois en quelques minutes, il aura fallu des heures de préparation pour que cet événement advienne. La séance que vous faites avec moi ou un autre donnera des résultats aussi parce qu’un long processus vous a amené à faire cette séance, c’est avant tout vous qui créez les conditions du changement, même si vous n’en êtes pas conscient.e. Nous, les thérapeutes, ne sommes que des passeurs, des gens qui vous permettent de faire le dernier pas ou le premier de votre nouvelle vie, pas grand-chose d’autre.
Prenons le temps de prendre soin de nous-mêmes. Ne valons-nous pas la peine de donner un peu plus qu’une heure tous les 15 jours pour nous occuper vraiment de nous ? Je ne parle pas seulement de thérapie mais de tout ces moments où nous pourrions être plus attentif.ives à nos corps, à nos pensées, à notre beauté intérieure comme extérieure, tout ces moments où, pressé.es d’aller au bureau, nous ne prenons plus le temps de choisir nos habits, d’embrasser vraiment nos enfants, de prendre un vrai petit déjeuner ou de nous demander de quelle humeur nous sommes aujourd’hui. L’urgence nous ôte à nous-même, nous prive de nous rencontrer et c’est dommage parce que nous en valons vraiment la peine.
On nous explique à tout bout de champs qu’il faut aller plus vite (Orange, SFR, la fibre, …), comprendre plus vite (internet), apprendre plus vite (Wikipedia, chat GPT), travailler plus vite (…), faire l’amour plus vite (Tinder), rencontrer plus vite (réseaux dits sociaux), mais tout cela n’est pas vrai. On peut faire beaucoup plus et beaucoup mieux en allant lentement.
Faîtes le test : rencontrez-vous lentement