On ne nait pas ... on le devient

Simone de Beauvoir, femme du siècle dernier, féministe convaincue, écrivit : « on ne nait pas femme, on le devient ». Qu’un homme se lance dans un article au sujet des femmes peut sembler osé mais, dans le cadre qui est le mien, je trouvais que quelques questions étaient intéressantes à se poser.

Écrite en 1949, au sortir de la seconde guerre mondiale, seulement 5 ans après que les femmes aient acquis le droit de vote en France, elle est extraite du « 2ème sexe ». Si Simone de Beauvoir parle bien du sexe féminin et de la féminité, ne parle-t ’elle parle pas de sociologie bien plus que d’anatomie ? Il suffit d’être un peu observateur.trice pour se rendre compte qu’en effet, encore bien souvent aujourd’hui, la femme, dès sa naissance, est affublée de qualités et d’incapacités a priori qui auront tôt fait de déterminer ses croyances et ses capacités vécues par elle comme correspondant à la réalité.

Je reçois chez moi de très nombreux.ses jeunes qui viennent ici découvrir l’éco-construction, le potager, les animaux ou eux.elles-mêmes. Je ne peux que constater la marque quasi indélébile du conditionnement et de l’incompétence apprise, notamment parmi les femmes. Combien d’entre elles me déclarent en substance qu’elles sont faibles et que donc elles ne pourront pas faire telle tâche sans même avoir essayé quoi que ce soit ?

Dès la naissance, on nous éduque en nous annonçant qu’une femme est faible (« faible femme ») et qu’un homme est fort (et ne doit pas pleurer). Que se passe-t-il selon vous quand l’un.e et l’autre se trouvent face à quelque-chose à faire qui nécessite de la force ? Le garçon va probablement y aller de toute son énergie, éventuellement à plusieurs reprises et ne donnera certainement pas dans la dentelle, il mettra en application ce qu’on lui a toujours appris. Dès lors, son attitude face à l’effort physique va contribuer à développer sa musculature et le rendre effectivement plus fort. La fille quant à elle, forte de sa faiblesse apprise, abandonnera ou développera des stratégies de contournement pour arriver à bout du travail. Ce faisant, elle développera moins ses muscles.

Ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit, les femmes sont, en général, anatomiquement moins fortes que les hommes mais la question qui se pose est : à quel point cette différence est-elle aussi liée à un apprentissage ?

Est-il vraiment utile d’évoquer les préjugés qui hier faisaient que l’on offrait à une petite fille une cuisine et des poupées, pendant qu’on habillait un petit garçon en cow-boy et lui donnait un établi ? Là encore, on détermine(ait) l’avenir de l’enfant en lui transmettant des préjugés sociologiques qui allaient faire qu’il deviendrait sociologiquement ce qu’il est physiquement : une femme ou un homme doté.e de tous les attributs psycho-socio qu’on lui a(vait) annoncés.

La question que je me pose est de savoir ce que Simone de Beauvoir voulait dire quand elle parlait de femme ? De l’anatomie ou du rôle qui leur était assignées dès la naissance et qui allait se concrétiser ? Selon moi, il s’agissait de la femme telle que définie par l’homme : une mère de famille dévolue à son mari et à l’éducation de ses enfants. La Femme (comme l’homme), au sens anatomique du terme est elle(lui) influencée par un certain nombre de déterminismes physiques acquis - eux - à la naissance et dont il est plus difficile de se départir. Mais ces déterminismes ne devrait pas avoir de lien avec ce que je suis capable ou ce que j’ai envie de faire.

Cette femme dont elle parlait est celle qui était censée devenir soumise et inférieure. Non pas une personne physique mais une personne sociale, dotée d’un rôle prédéfini par le sexe dominant d’alors (et qui l’est toujours dans de nombreux domaines). Il ne s’agirait alors pas de genre mais de fonction.

Tirons le fil. Chacun.e de nous est soumis à ce genre de préjugés, chacun.e de nous est le produit plus ou moins marqué et réussi de ce que nos parents espéraient pour nous (ou ce à quoi la pression sociale les poussait). Ils étaient bohèmes ? Ils nous ont - la plupart du temps – souhaités bohêmes ; musicien.nes, ils nous éduquaient à la musique, paresseux.ses ? Sans nous y former, ils nous montraient l’exemple de la paresse. Et nous, selon que nous l’avions bien vécu ou pas, nous nous sommes construit.es contre ou avec cette « prédestination ».

Quand notre environnement nous pousse vers le haut (c’est le sens du mot « autorité »), en général, les choses se passent bien, mais quand on nous répète que nous sommes bêtes, faibles, incapables de faire telle ou telle chose correctement, bien souvent, telles un oracle, les choses se réalisent ainsi qu’on les a voulues pour nous. Mais nous ne sommes pas obligé.es d’obéir éternellement à ces injonctions n’est-ce pas ? C’est pour ça qu’il y a des Marie Curie, des Simone de Beauvoir ou des Charles de Gaulle : parce qu’ils n’ont pas voulu croire ce qu’on leur avait toujours appris et c’est grâce à ces personnages que les choses changent au sein d’un groupe ou d’une nation. Rien n’est immuable.

En notre sein, ces personnages existent. Pensez à la partie de vous qui n’accepte pas une situation même si celle-ci semble gravée dans le marbre, pensez à ces femmes, battues toute leur vie qui un jour se rebellent, à ses personnes lourdement handicapées qui se dépassent au-delà ce ce que font la plupart des “valides”, ou même à chacun.e de nous qui, un jour, n’accepte plus une situation et fini.e par « péter un plomb » ou simplement à la refuser. C’est simplement que, plutôt que de faire taire la Simone de Beauvoir, le Mandela ou le Gandhi qui est en vous - celui.celle qui ne se contente pas de ce qui est mais sent ce qui devrait être - vous choisissez de l’écouter. Et ça fait peur, et c’est courageux, car en faisant cela, vous sautez dans le vide, dans l’inconnu, celui où vous n’êtes pas défini.e par l’autre, celui où vous commencez à exister par vous-même, à vous inventer et à devenir, à être responsable de qui vous choisissez d’être plutôt que de continuer à subir les déterminismes extérieurs qui vous ont façonné.e.

Alors, certes, on ne nait pas femme on le devient, mais plus généralement selon moi, on ne nait pas soi … on le devient.

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