Liberté, liberté chérie

Au rang des expressions qui façonnent tout un peuple sur plusieurs générations il y a celle-ci : « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». (Vous pouvez vous demander ce qu’est la liberté pour vous).
De mon point de vu, si ma liberté s’arrête à un quelconque endroit c’est qu’elle est limitée, et si elle est limitée, alors, je ne suis plus totalement libre. C’est un peu comme si la liberté était en enclos (plus ou moins vaste) mais qu’il s’arrête là où commence l’enclos du voisin. Cette expression, communément admise, nous fait donc prendre un enclos pour de la liberté … c’est pratique si l’on veut cadrer les foules et les individus. Dans ce cas, si des conflits naissent, ils ne sont pas traités par moi et l’autre mais par la loi, la justice et des règles définies par d’autres et que je suis censé accepter. Ça n’est pas critiquable en soi, les règles permettant d’organiser la société, cependant je ne suis plus (ou moins) responsable de mes actes et de leurs conséquences qui sont pris en charge par celui qui fait les règles et organise la façon de les faire respecter et ce, même si celui qui fait les règles, c’est moi, au sens où c’est moi qui les demande et les fait voter (on a l’environnement que l’on « mérite » et que l’on se crée).
Par ailleurs, où commence la liberté de l’autre ? Là encore, est-ce à moi de le définir ou de le voir (et donc de décider où est sa liberté, la limitant à l’instant même où je la définis ? Et si ma liberté s’arrête là où commence celle des autres, peut-on dire aussi qu’elle commence là où s’arrête celle des autres ? Si oui (et je n’ai fait dans cette phrase que me mettre à la place de « l’autre »), il y a donc un début et une fin à leur liberté comme à la mienne, est-ce ça la liberté ? Et là encore, qui décide de ce début et de cette fin ? Le plus fort, le plus sûr de lui, celui qui a le plus de pouvoir ? L’enclos de l’autre est-il de la même taille que le mien selon qu’il est plus ou moins « puissant » que moi ? Comment être libre si je ne suis pas libre de limiter, refuser ou accepter la liberté de l’autre, quitte à ce qu’elle empiète – parce que je prends la libre responsabilité de l’accepter – sur la mienne ?
Pardon, mais en allumant un jour la radio et entendant cet adage, il m’a sauté aux oreilles et, tout d’un coup, ne m’a plus convenu. Sortie de transe hypnotique ?

Mais alors, que dire à la place ?

Et si nous essayions « ma liberté, réaffirme celle de l’autre » ? Dès lors, je n’ai plus d’enclos, je peux aller où je veux, y-compris chez le voisin, mais – et c’est très important - il est libre, lui aussi, de m’éconduire gentiment ou pas. Dès lors, c’est à moi d’agir et de mesurer pleinement ce que mes actes produisent, d’y mettre le plus de conscience de l’autre, de ses besoins légitimes ou pas, de tout ce qui fait qu’il est lui et différent de moi, mes actes ne sont plus définis par la taille d’un enclos mais par le respect mutuel. En tournant les choses ainsi, il me semble que l’on réintroduit les notions de responsabilité individuelle, de contrôle de notre propre vie (le vrai, pas celui qui nous est dicté par des automatismes, nos instincts grégaires exacerbés par d’autres ou nos peurs) et les conséquences qu’elle a sur autrui (ce ne sont plus les assurances qui gèrent les dégâts éventuels générés par mon inconséquence mais nous-même). Dans ce cas, je suis absolument libre, y compris de transgresser les règles et d’en payer éventuellement le prix. Ce ne sont pas les rapports de force qui définissent la taille des enclos mais le respect, la confiance et la responsabilité. Au lieu de me limiter, ma liberté me grandit et grandit mon voisin.
Je ne sais pas si vous le remarquez, mais les 2 phrases ne changent rien au fond : la liberté est la même dans les 2 cas, mais dans l’un ma « liberté » est définie par mon voisin, dans l’autre, c’est moi qui la définie, dans la conscience de l’existence de sa liberté et de ses besoins. Je me grandis et le grandis au lieu d’être « infantilisé » et limité.

Qu’est-ce que ça fait dans un blog sur l’hypnose ?

Vous le savez, nous sommes « plusieurs » à l’intérieur. Il y a quelques décennies selon les thérapeutes de l’époque, nous n’étions que 3 : l’inconscient, le conscient et le subconscient ou même le moi, le ça et le surmoi. Depuis, les travaux des psychologues montrent que nous « sommes » nettement plus nombreux (Cf. « Internal family System » ou la systémique). Il ne s’agit évidemment pas de petits bonshommes ou bonnes femmes qui se baladent à l’intérieur de notre corps mais plus des « personnages » ou « persona » qui, suivant le contexte (vie personnelle, vie professionnelle par exemple) prennent plus ou moins de place dans ce que nous laissons voir de nous dans un environnement donné. Par exemple, je peux être très volubile dans ma vie personnelle et très discret dans ma vie professionnelle. Dans les deux cadres les enjeux émotionnels ne sont pas les mêmes, je m’adapte donc et tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Prenons maintenant un de nos personnages internes. Disons « le gourmand ». Imaginons maintenant que ce gourmand ne soit pas trop envahissant, il s’exprime seulement quand je passe devant cette boulangerie qui vend ces excellentes religieuses au chocolat. Une fois par semaine, je m’offre ce plaisir et tout va bien. Mes autres personnages le laissent vivre et tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes même si parfois, l’un ou l’autre « le pressé » ou « le radin » peuvent lui faire quelques reproches.
Maintenant, imaginons justement que « le pressé » devienne un peu plus despotique et affirme au « gourmand » que sa liberté s’arrêtant là où commence celle des autres, lui aussi a bien le droit d’être pressé, et qu’il est donc prié d’oublier sa gourmandise hebdomadaire vu qu’on n’a pas le temps pour ça.
Que croyez-vous qu’il va se passer ? En premier lieu, par exemple, je vais me priver d’un plaisir et me frustrer. Ce faisant, je vais éventuellement créer de la colère. Par ailleurs, « le radin » va être content de la force de « pressé » et s’allier à lui (lui donnant plus de pouvoir). Comme je serai encore plus pressé, je vais courir, utilisant pour cela le sucre dont mes muscles ont besoin et dont je me suis privé en n’achetant pas la religieuse, dès lors, je vais pomper dans mes réserves et un autre personnage pourra apparaître « le besoin ». Plus puissant, il donnera l’ordre de ralentir (et je serai en retard) générant l’augmentation de « colère » qui dira peut-être à « pressé » qu’il ferait mieux de se taire, etc. Ainsi, en limitant mes envies (une gourmandise modérée), je crée une cascade de conflits internes aboutissant à l’effet inverse de l’effet désiré. En d’autres termes, c’est en voulant limiter la liberté de « gourmand » que « pressé » a perdu la sienne.
Imaginons maintenant que, plutôt que de faire un combat de coqs basé sur la taille des enclos, « gourmand » et « pressé » discutent entre eux (ce que dans différentes thérapies brèves on appelle une « négociation entre parties ») et essaient de se mettre d’accord. Pour cela, ils vont devoir s’intéresser à l’autre, lui demander quels sont ses besoins, tenter de le comprendre, ils vont devoir aussi exprimer leurs propres besoins pour être compris de l’autre. L’un pourra choisir une boulangerie où il y a moins la queue, ou décaler son envie dans le temps, l’autre pourra partir un peu plus tôt ou accepter de marcher plus vite, bref, les libertés de l’un et de l’autre seront respectées et ils accepteront même l’un et l’autre que la règle mise en place un jour puisse être différente le lendemain. Il n’y a plus d’enclos, seulement de l’entente générée entre autres par une bonne connaissance de l’autre auquel on a dû vraiment s’intéresser et que l’on a du vraiment comprendre et, qui sait, « pressé » et « gourmand » pourraient même finir par devenir amis 😊.

Généralisons un peu voulez-vous ? Le mental. Dans plusieurs autres articles, j’évoque les mécanismes et le rôle du mental : en quelques mots : protéger le statu quo qui correspond pour lui à un équilibre du système, ne surtout pas changer. Le mental se prend pour moi et il ne veut pas lâcher ce pouvoir. Il me fait croire que ses pensées sont les miennes et insiste en permanence pour que je reste tel que je crois être. Pour cela, il me raconte en permanence des histoires qui définissent ce que je suis censé être : à ce jour : fumeur, plutôt bavard, etc. Pour vous, ce sera peut-être stressé, en surpoids, rapide, etc. Ces « histoires » correspondent seulement à ce que vous êtes censé être, absolument pas à ce que vous êtes. De ce point de vu, le mental est un véritable despote qui ne respecte en rien votre liberté d’être qui vous voulez, il vous impose ce qu’il croit que vous êtes : libre dans l’enclos du passé. Nous n’avons pas à être « conforme » à ce que nous sommes supposés être.
Maintenant, demandons au mental de prendre en compte la liberté de notre cœur ou celle de notre corps, la liberté d’aimer ou de haïr, de dire « non » quand notre corps dit « non », de nous regarder comme des mangeurs normaux et non plus comme un.e boulimique tel.le que ma mère ou mon père, mes amis et mon médecin me définissent, la liberté de ne plus avoir peur des araignées, d’aimer le chou-fleur ou de crier … que se passera-t-il ? Lentement, mon corps rentrera dans mon champ de conscience, de même que mon cœur, ils prendront un peu plus de place et pourront dialoguer à égalité avec le mental. Une forme d’équilibre, d’alignement verra le jour et qui sait ce qu’il en adviendra.

Le risque de « la liberté commence là où s’arrête celle des autres » est de laisser s’imposer la liberté du plus fort et dans de nombreux cas, le « plus fort », c’est le mental. Voulez-vous n’être que cela ou préférez-vous sortir des schémas automatiques qui vous maintiennent dans le personnage pérenniser par votre chef intérieur ? Voulez-vous reprendre le (vrai) contrôle en étant qui vous êtes vraiment ? Etes-vous fumeur ou êtes-vous vous ? Etes-vous dépressif ou êtes-vous vous ? Etes-vous en surpoids ou êtes-vous vous ? Comment voulez-vous utiliser le verbe « ETRE » ?

# Déshypnotisons-nous