Google est mon ami ?

Depuis quelques années, l’expression fait florès, de boutade elle devient presque réalité et s’applique à toutes nos requêtes, questions et recherches, y compris dans ce que l’on nomme la “vraie vie” (elle-même colonisée par Google).

L’amitié selon moi se caractérise par la gratuité … la vraie. L’amitié naît d’on ne sait où, une rencontre, une proximité, une ressemblance, et elle n’attend rien. L’amitié (la vraie) est naturelle au sens où elle n’est le fruit d’aucun calcul, elle est, voilà tout.

Disons-le tout de suite, Google n’est pas mon ami, loin s’en faut. Sous une apparence gratuite, il est loin de l’être : à chaque mot que je lui donne, à chaque geste que je fais, il en extrait des données, parfois intimes, il me catégorise et me vend au plus offrant, Google m’enferme dans l’un de ses “cluster” (groupe) censé me correspondre et me baigne dans ce que je suis censé apprécié. En cela, il est précisément un cerveau : il déteste le changement et ne veut surtout pas que je sorte du modèle qu’il m’a assigné.

Je ne me dirige plus qu’avec Google Maps ? Je passe plus de temps à regarder mon téléphone qu’à voir ce qui m’entoure quitte même à me mettre en danger. En ne regardant pas le paysage, je passe à côté du vivant, de ce qui est présent. En déléguant mon chemin à la machine, je déshabitue mon sens de l’orientation à fonctionner et l’appauvrit lentement le rendant encore plus dépendant.

Dès que j’ai un trou de mémoire, je demande à Google ? Très bien, il trouve à ma place mais détruit simultanément le sens de l’effort (chercher, associer, me remémorer), la patience (je veux savoir tout de suite) et in fine agrandit le trou en rendant progressivement ma mémoire inutile.

Google fabrique une société où le goût du risque disparaît peu à peu puisqu’il nous dit quoi faire et quand, choisit pour nous un film, un hôtel ou un restaurant en nous donnant mille commentaires sur les uns et les autres afin de nous rassurer : “puisqu’ils.elles aiment c’est que je peux y aller les yeux fermés”.

Il nous ôte le plaisir simple de la découverte en nous offrant toutes les photos et descriptions de qu’il faut savoir sur ce lieu … pourquoi y aller puisque j’ai déjà tout vu et tout lu ? Parce qu’il y a bien plus qu’une photo, l’écran est bien plus large et mes yeux ne voient pas comme ceux de mon.ma voisin.e.

En affirmant nous rapprocher les un.es des autres, il diminue la quantité et la qualité des relations humaines (qui n’a pas vu de groupes à une terrasse de bar, tous.tes en train de consulter leur téléphone au lieu de se parler ?), celles entre les autres et moi bien sûr mais, plus important peut-être celle entre moi et moi-même rendant mon intelligence, mes qualités et mes sens de plus en plus subsidiaires tant nous les lui déléguons, remplissant de bruits les moments qui pourraient être dédiés au calme, à la prise de recul et à l’appréciation du moment présent.

Google et ses amis Airbnb, TripAdvisor et consorts normalisent, rendent le monde plat, sans les reliefs de la différence et de singularité. Ils nous privent de nos goûts personnels et de nos cultures habillant chaque lieu de décorations uniformes seules capables d’être notées - pour le coup - de façon uniforme.

Et je ne parle que de ma propre expérience… comment utilisez-vous Google, que lui demandez-vous ? De quoi vous diminuez-vous en plus du simple fait de poser la question à un humain ? Quelle heure est-il ? C’est par où ?

Certes, la technologie n’a pas que des inconvénients et vous me trouverez sur Google, tout n’est évidemment pas à jeter, les moteurs de recherche nous permettent d’avoir accès à des connaissances infinies. Mais il me semble utile d’avoir conscience de l’immense pouvoir de destruction de nos intelligences personnelles comme collectives et de nos libertés individuelles qu’ont les moteurs et plus encore des modèles tels que “chat gpt” qui nous promettent un avenir où tout sera délégué aux machines y-compris et surtout ma façon de choisir, de décider et de penser.

Outil hypnotique par excellence Google n’est pas un ami c’est un manipulateur, qui crée un état modifié de conscience : derrière l’intention affichée de me simplifier la vie (ce qu’il fait), il m’utilise et m’affaiblit. Qu’on ne se leurre pas, le premier truc d’un hypnotiseur, c’est précisément d’abaisser vos défenses en vous disant qu’il n’y a pas d’hypnose …

Il ne s’agit pas de le bannir mais tous les excès mènent dans le même mur : l’aliénation !
Hier, les chiens et les chats étaient sauvages, en échange des restes de nos repas, ils nous ont apporté la sécurité et la protection de nos récoltes, ils sont devenus domestiques. Aujourd’hui, ni les uns ni les autres ne savent se nourrir seuls et dépendent totalement de nous. “La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude …” (Aldous Huxley)… c’est peut-être ce que se disent nos animaux domestiques aujourd’hui, mais … c’est trop tard et pourtant, Jean de La Fontaine nous avait prévenu avant même de connaître Google ! Le loup et le chien.

# Déshypnotisons-nous

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