Chronique d'un hypnos en colère 3 : le Bien être

Autant que faire se peut, vous ne lirez pas sous ma plume le mot “bien-être” tant il est pour moi devenu suspect et synonyme de “marchands du temple”.

Le bien-être(1) est devenu un marché, une norme, un numéro de Siret ! Les librairies, les parfumeries et les épiceries ont toutes leurs rayons à son nom, promesse d’une santé et d’un avenir meilleur. Coincé entre les amulettes et les potions miracles, les artisanats du bout du bout du monde, désacralisés puis revêtus de nos fantasmes d’occidentaux et les fragrances plus ou moins médicinales, on trouve pêle-mêle des “musique du monde”, des ouvrages mêlant recettes faciles et injonctions à “lâcher prise” et des attrapes rêves made in Taïwan qui ne font, bien souvent, que nous replonger dans le cauchemar de la consommation aliénante.

Le “bien-être” tel que le marketing se l’est approprié relève du “green washing”, il en a le goût, l’odeur, la stratégie et le but : nous détourner de son véritable sens et utiliser l’énergie - intègre celle-là - que nous mettons à le rechercher, pour en tirer un profit plus ou moins honnête. Car profiter de la crédulité, d’une position de faiblesse ou, à l’inverse, d’une position d’autorité s’apparente pour moi au vol pur et simple voire à un viol.

À ce mot “bien-être” salit par notre époque et notre civilisation, je préfère celui “d’être bien” car il nous engage. Si le bien-être a finit par nous faire espérer une baguette magique nous exonérant de tout effort y-compris celui de chercher à savoir ce qui est réellement bon pour nous-même et comment l’atteindre, “l’être bien” nous invite d’abord à nous prendre en mains ou, si nous n’en avons plus la force, au moins par le doigt. Il nous propose de nous demander d’abord où nous voulons aller pour ensuite faire nous-même un bout de ce chemin choisi, accompagnés s’il le faut par des gens, des produits ou des services honnêtes que nous aurons interrogés avant de les solliciter. Qui sont-ils ces démiurges qui dans les salons nous vantent leurs techniques et leurs pacotilles ? D’où viennent-ils pour savoir ce qui est bon pour moi en m’ayant à peine regardé dans les yeux, concentrés qu’ils sont sur cet autre client qui menace de s’éloigner ? Que savent-ils de moi, de mon histoire, de mes rêves et de mes blessures ? Rien, ils en veulent à mon portefeuille : “venez comme vous êtes” on se charge de vous détrousser ! Le bien-être se transforme en “bien-avoir” et de chercheurs nous nous transformons en victimes, là d’où précisément nous voulions sortir.

Si j’espère ne pas être tombé dans ces travers, je vous engage néanmoins à me questionner un minimum, si vous ne connaîtrez sans doute que mon mental, ce sera déjà pas mal et suffisant pour vous faire votre idée, car si la magie existe, elle ne peut advenir que dans la relation singulière qui existe entre le thérapeute et celui qu’il accompagne et si je ne suis pas celui qu’il vous faut, soyez fier.ère de l’avoir ressenti et foncez en chercher un.e autre qui vous corresponde mieux !

“L’être bien” est aussi à mon sens l’expression d’une volonté plus grande que ce qu’est devenu le “bien-être”. Il nous oblige, nous invite à aller plus loin que la simple dégustation de moments agréables plus ou moins fugaces, il nous demande, me semble-t-il, de poser des actes, de traduire l’amélioration de notre état en gestes consistants ayant la volonté de nous découvrir à l’autre en tant que démonstration et peut-être même comme exemple.

“L’être bien” va plus loin, il nous pousse à (co-)construire notre chemin et notre avenir en conscience.

Les enjeux sont grands, ils nous renvoient à des choix fondamentaux pour nous-même, notre entourage et notre environnement, il nous engage, nous responsabilise, nous transforme en adultes fier.ères de nous tenir debout plutôt qu’éreintés par 1000 vaines recherches et promesses non tenues. L’être bien nous demande en somme de répondre à cette simple question “que voulons-nous vraiment ?”.

# Déshypnotisons-nous

(1) Mon propos n’est évidemment pas de dénoncer telle ou telle technique. A de rares exceptions près peut-être, aucune n’est fondamentalement bonne ou mauvaise pour vous. Je veux simplement pointer le fait que les mots (“bien-être” en l’occurrence), une fois passés à la moulinette du “marché” sont souvent déshabillés de tout sens et de toute intégrité. De ceux-là, nous serions bien inspirés de nous en méfier.

← Article précédant

Comment arrêter de penser ?

Article suivant →

Si ça vous touche