Si ça vous touche
Si quelque-chose vous touche, c’est que vous la connaissez déjà. Qu’il s’agisse d’une personne ou, plus intéressant, d’une réflexion.
Soyons plus précis, il ne s’agit pas d’être touché mais d’accepter de l’être. Les lois de la proxémique sont assez simples : plus vous connaissez ou appréciez quelqu’un, plus vous le.la laisserez s’approcher de vous jusqu’à, pour certain.es, accepter qu’ils.elles vous touchent. Les distances varient suivant les circonstances, votre culture, les individus, etc. Mais globalement en occident la zone d’intimité est à peu près à une petite longueur de bras. En deçà, on rentre “chez vous” et il faudra montrer patte blanche. Pour le vérifier c’est très simple, demander à une personne quelconque de se positionner à 2 mètres de vous (face à face) et de se rapprocher très lentement. Prêtez attention à vos sensations au fur et à mesure qu’il.elle avance, vous verrez que suivant les personnes, le lieu où vous faites l’expérience et même le côté par lequel il.elle vous approche votre sentiment d’intrusion se déclenchera plus ou moins vite et de façon plus ou moins forte.
Or donc, quelques personnes pourront vous toucher sans déclencher de votre part la moindre réaction de rejet (si personne ne déclenche ce type de réaction vous pouvez vous interroger sur le rapport que vous entretenez à votre corps et à son intégrité). Ces personnes sont en général vos intimes (ou celles dont vous avez follement envie qu’elles le deviennent dans des délais assez brefs).
Vos sensations négatives sont déclenchées par le sentiment d’un danger imminent, avec ces personnes, pour vous il n’y en a pas, donc pas besoin de les rejeter. CQFD.
Selon moi, il en va de même de ce que nous entendons et plus précisément de ce que nous entendons dans le contexte où les mots sont prononcés. Si par exemple, alors que vous ne m’avez jamais vu, je vous croise dans la rue et vous insulte, il y a peu de chance que cela vous touche (nous y reviendrons). Si votre meilleur.e ami.e vous sort la même insulte en souriant, là encore, peu de chance d’être atteint.e. Dans le premier cas, l’insulte parlera plutôt de moi (et ça serait vraiment un coup de malchance qu’elle parle aussi de vous), dans le second cas, le sourire la désamorce au moins partiellement.
Maintenant, imaginons qu’en vous croisant, je vous traite de “moche” alors même que ce matin, en vous regardant dans la glace, vous vous soyez vraiment trouvé.e une sale gueule et qu’en plus, pour vous, ces temps-ci, c’est un peu récurent. Là, bien que je sois un parfait inconnu, il est probable que vous soyez touché.e, de même si c’est votre meilleur.e ami.e qui vous le dit, souriant ou pas, ça risque de grincer. Pourquoi ? Parce que la réflexion est déjà votre intime et que vous la laissez donc rentrer. Bien sûr, ça fonctionne aussi avec les compliments : si je vous dis que votre plat est délicieux alors que vous vous pensez le.la pire cuisinier.ère du monde, il y a peu de chance que vous me croyiez.
Pourquoi je vous raconte tout ça ?
Parce qu’il est vain de s’énerver sur une personne qui vous a touché.e par sa réflexion pour une raison simple, si elle vous a touché c’est qu’elle a raison (je sais, c’est désagréable) et en vous énervant vous creusez un sillon dans lequel vous serez seul.e à vous enfoncer. Je vous recommande plutôt de prendre cela comme une information salutaire sur vous-même. En effet, la plupart du temps, les remarques désagréables que nous nous servons à nous-même sont tellement répétées qu’elles en sont devenues automatiques et inconscientes et … Creusent - elles aussi - ce sillon dans lequel nous nous enfonçons jour après jour sans nous en rendre compte et sans moyen de réagir puisque nous n’entendons plus ces fameuses réflexions désagréables.
En somme, grâce à votre meilleur.e ami.e, qui vient de vous traiter de paresseux.euse et à qui vous faites la gueule parce qu’il vous a affreusement vexé.e, vous savez que c’est probablement l’image de vous même que vous avez. De là vous pourrez vous questionner et changer si cela vous semble nécessaire ce sera beaucoup plus constructif pour vous-même que de rompre avec votre ami.e, vous ne croyez pas ?